Croquis Des histoires courtes

 

Des histoires courtes qui nous font connaître différents personnages, parfois fort amusants.


Auriez-vous aimé vivre à cette époque et dans ces pays ?


À vous de voir !

Sommaire



LÉBEDKA, LE LÉVRIER FEMELLE

LE RENDEZ-VOUS

LA JUIVE DE ROUDNIA

LA VALSE MÉLANCOLIQUE

LES 25 ROUBLES DE NIKITA

LES INCENDIES EN RUSSIE

L'OURS BLANC

TANTE MARGUERITE

LINA

JALOUX

LE BAL DU GOUVERNEUR

Des livres captivants



L'OURS BLANC



Un riche seigneur russe s'ennuyait dans ses terres. Cependant, comme la plupart des propriétaires campagnards, il aimait mieux s'ennuyer chez lui que de s'amuser autre part. Où eût-il pu, du reste, trouver une cuisine aussi parfaite, des fruits aussi savoureux, de la crème aussi fraîche, et en toute saison la liberté d'agir à sa guise ?


Mais, précisément parce qu'il était le maître chez lui, il ne détestait pas un peu de controverse, et par-dessus tout, il aimait les histoires.


Il les aimait tant, qu'il s'était fait raconter tout ce qu'il y avait d'anecdotes au monde. Il en savait de russes, bien entendu, de finnoises, de toungouses, de chinoises, d'américaines, d'indoues... je ne parle pas des anecdotes françaises, celles-là sont les plus nombreuses, et il faut bien l'avouer, souvent les meilleures.


Un jour qu'il s'ennuyait, comme à l'ordinaire, il vit arriver son neveu, jeune homme du plus bel avenir, diplomate en herbe, mais d'une herbe qui commence à pousser dru. Et ce neveu, qui ne venait guère qu'à court d'argent, se montra ce jour-là d'une prévenance extraordinaire.


— Qu'est-ce que tu es venu me demander ? fit l'oncle quand on eut servi le thé, pendant qu'ils allumaient des papiros.


— Oh ! mon oncle ! s'écria le neveu d'un air vexé.


— Il n'y a pas de quoi te fâcher, reprit l'oncle. Je suis toujours enchanté de recevoir des visites. Tu me désennuies. Aussi je bénis secrètement les déboires qui t'amènent ici.


— Eh bien, mon cher oncle, fit notre diplomate, en prenant, comme on dit, le taureau par les cornes, voici une belle occasion de remercier la Providence.


— Eh ! fit l'oncle en dressant l'oreille, si elle est trop belle, je ne bénirai rien du tout. Combien ?


— Cinq mille roubles, mon cher oncle... le meilleur des oncles !


— Je ne bénis pas ! dit l'oncle d'un air froid. L'avant-dernière fois, c'était cinq cents roubles. La dernière, mille. Je trouve la progression trop rapide. Tu peux t'en retourner. J’aime encore mieux m'ennuyer.


— Mon oncle adoré... je viendrai gratis la prochaine fois, je resterai une semaine entière !


Le neveu avait, en disant ces mots, une si drôle de mine, que l'oncle n'y put tenir, et se mit à rire. Voyant qu'il gagnait du terrain, le jeune homme reprit courage.


— Donnez-moi cinq mille roubles, mon cher oncle, et je vous raconterai une histoire toute neuve.


— Cinq mille roubles, malheureux ! Et que veux-tu en faire ?


— Je les ai perdus au jeu ! Un ami me les a prêtés pour payer dans les vingt-quatre heures, mais il en a besoin d'ici quinze jours.


— Imbécile ! Tu aurais pu t'amuser, faire la connaissance de deux ou trois petites personnes qui t'auraient si bien mangé ça, et presque aussi vite !


— Oh ! mon oncle, fit pudiquement le neveu... Dans la diplomatie !


— Hem ! ... je crois que tu te moques de moi... Voyons ton histoire. Mais si elle n'est pas bonne, tu n'auras rien !


— C'est entendu, mon oncle. Vous pouvez payer d'avance.


L'oncle alla à son secrétaire, fit une liasse de billets de banque et la posa sur la table, près de lui.


— Les voilà ! dit-il, et il allongea un coup de sa cuiller à thé sur les doigts trop empressés de son neveu. Si l'histoire est bonne, tu les auras. Si elle est mauvaise, je les garde. Va !


Le neveu poussa un soupir de résignation, s'enfonça dans son fauteuil et commença comme il suit :


Il y avait une fois un oncle excellent, mais un peu avare, — comme vous...


— Hé ! fit l'oncle.


— Qui avait un neveu charmant, — comme moi, — mais un peu coquin...


— Comme toi, dit l'oncle. Ton histoire me plaît. Continue.


— Cet oncle était très riche, mais d'une avarice telle que jamais son pauvre neveu n'avait vu la couleur de ses dons. Tout au plus en avait-il reçu une timbale et un couvert, le jour de son entrée dans cette vallée de larmes.


En vingt-cinq ans, c'était peu, et notre neveu rêvait aux moyens d'en obtenir davantage. Il envoyait du gibier, des cigares, la Revue des Deux Mondes. L’oncle mangeait l'un, fumait les autres, coupait la troisième, remerciait, et ne donnait rien.


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