Les français au canada
Les français au canada
Publié en 1875, par conséquent, on se rapproche de la source.
Voyez le point de vue d'un Français sur notre histoire et les causes qui ont fait que le pays ne se soit pas développé plus rapidement.
Sommaire
Prologue
Ce qui empêchait les Français de s’établir dans le Nouveau-Monde
Leurs vues vers le Nouveau-Monde
Moeurs des sauvages qui habitaient le Canada
Les Français prennent part aux guerres des sauvages
Causes de cette langueur
Les Français sortent de l’inaction
Les pelleteries, la base des liaisons
Les animaux et leur fourrure
Le castor
La chasse au castor
Lieux et manières de faire le commerce des fourrures
Français impliqués dans des guerres
La boisson aux Indiens
La France cède aux Anglais
La population du Canada
Les moeurs des Français
La pêche au loup-marin
Avantages que la France pouvait tirer du Canada
La pêche à la baleine
L’origine de la guerre des Anglais et des Français
Les Anglais attaquent le Canada, de grandes pertes
Prise de Québec par les Anglais
Le Canada
Montréal
Belles perspectives sur les bords du fleuve
Québec
Climat et amusements des Canadiens pendant l’hiver
Voitures
La ville de Trois-Rivières
Le fleuve Saint-Laurent
Les ours et les écureuils
La ville de Niagara
La rivière et les cataractes de Niagara
Le lac Érié
Moeurs et usages des Indiens
Des livres captivants
Mot de la fin
Note à propos de la couverture : L’image « Les Iroquois » se trouvait juste avant la page titre, la seule d’ailleurs dans tout le livre.
Moeurs des sauvages qui habitaient le Canada
Les habitants de cet âpre climat étaient cependant peu vêtus. Un manteau de buffle ou de castor, serré par une ceinture de cuir, une chaussure de peau de chevreuil, tel était leur habillement avant leur commerce avec nous. Ce qu'ils y ont ajouté de plus depuis a toujours excité les lamentations de leurs vieillards sur la décadence des moeurs.
Peu de sauvages connaissaient la culture, encore n'était-ce que celle du maïs qu'ils abandonnaient aux femmes, comme indigne des soins de l'homme indépendant. Leur plus vive imprécation contre un ennemi mortel, c'était qu'il fut réduit à labourer un champ.
Quelques fois ils s'abaissaient jusqu'à la pêche. Mais leur vie et leur gloire étaient la chasse. Toute la nation y allait comme à la guerre. Chaque case, chaque famille comme à sa subsistance.
On se préparait à cette expédition par des jeûnes austères, et on ne marchait qu'après avoir invoqué les dieux. On ne leur demandait pas la force de terrasser les animaux, mais seulement le bonheur de les rencontrer. Hormis les vieillards arrêtés par la décrépitude, tous se mettaient en campagne, les hommes pour tuer le gibier, les femmes pour le porter et le sécher.
De l'avis de ce peuple, l'hiver était la belle saison de l'année. L'ours, le chevreuil, le cerf et l'original ne pouvaient fuir avec toute leur vitesse à travers quatre ou cinq pieds de neige. Ces sauvages, que n'arrêtaient ni les ronces, ni les ravins, ni les étangs, ni les rivières les plus profondes et qui dépassaient à la course la plupart des animaux légers, faisaient rarement une chasse malheureuse.
Lorsque le gibier manquaient on vivait de glands. Au défaut de glands on se nourrissait de la sève ou de la pellicule qui nait entre le bois et la grosse écorce du tremble et du bouleau.
Dans l'intervalle d'une chasse à l'autre, on faisait ou on réparait les arcs et les flèches, les raquettes qui servaient à courir sur la neige, les canots sur lesquels on devait passer les lacs et les rivières. Ces meubles de voyage et quelques pots de terre formaient toute l'industrie de ces peuplades errantes.
Ceux d'entre eux qui s'étaient réunis en bourgades ajoutaient à ces travaux les soins qu'exigeait leur vie plus sédentaire. Ils y joignaient la précaution de palissader, de défendre leurs cabanes contre les irruptions. Les sauvages s'abandonnaient alors dans une sécurité profonde à la plus entière inaction.
Leur stature était taillée en général dans les plus belles proportions. Mais plus propres à supporter les fatigues de la course que les peines du travail, ils avaient moins de vigueur que d'agilité. Avec des traits réguliers, ils avaient cet air féroce que leur donnaient sans doute l'habitude de la chasse et le péril de la guerre.
Leur peau était d'un rouge obscur et sale. Cette couleur désagréable leur venait de la nature qui hâle tous les hommes continuellement exposés au grand air. Elle était augmentée par la manie qu'ont toujours eue les peuples sauvages de se peindre le corps et le visage, soit pour se reconnaître de loin, soit pour se rendre plus agréables ou plus terribles à la guerre.
À ce vernis, ils joignaient des frictions de graisse de quadrupèdes ou d’huile de poissons, usage familier et nécessaire pour se garantir de la piqûre cruelle des moustiques et des insectes qui couvrent tous les pays que l'homme laisse en friche. Ces onguents étaient préparés et mêlés avec des sucs ou des matières de couleur rouge qui étaient le poison le plus mortel pour les moustiques.
Qu'on ajoute à ces enduits qui pénètrent et qui dénaturent la couleur de la peau, les fumigations opposées encore à tous ces insectes, ou que respirent ces gens dans leurs cases, où ils se chauffent tout l'hiver près d'un feu allumé au centre de l'habitation, et où ils boucanent leurs viandes.
Sans nul doute, c'en était assez pour leur donner un teint hideux à nos regards, mais beau ou du moins supportable à leurs yeux peu délicats. Malgré cette laideur apparente, ils avaient la vue, l'odorat, l'ouïe et le toucher d'une finesse, d'une subtilité qui les avertissaient de loin pour les dangers et les besoins.
Ceux-ci étaient bornés à peu de chose. Mais leurs maladies l'étaient bien davantage. Ils ne connaissaient que celles qui pouvaient provenir de leurs exercices violents, ou de la surabondance de nourriture prise après une longue diète.
Leur population était peu nombreuse et peut-être n'était-ce pas un malheur. Les nations policées doivent désirer la multiplication des hommes, parce que gouvernées quelquefois par des chefs ambitieux d'autant plus portés à la guerre qu'ils ne la font pas, elles sont réduites à la nécessité de combattre pour envahir ou pour repousser. Elles n'ont jamais assez de terrain et d'espace pour leur vie entreprenante et dispendieuse.
Mais indépendamment de ces réflexions, la nature des choses suffisait pour arrêter l'accroissement de leur population. Quoiqu'ils habitassent des contrées abondantes en gibier et en poisson, il y avait des saisons et quelques années ou cette unique ressource leur manquait. La famine faisait alors d'horribles ravages chez des nations trop éloignées les unes des autres pour se porter secours.
De plus, leurs guerres ou leurs hostilités passagères, mais causées par des haines éternelles étaient très destructives. Des chasseurs, continuellement exercés à poursuivre leur nourriture qui fuyait devant eux, à déchirer l'animal qu'ils avaient surpris à la course. Des hommes dont l'oreille était familiarisée aux cris de mort et à l'effusion du sang, devaient dans les combats se montrer plus impitoyables encore, s'il est possible, que les autres peuples.
Enfin malgré les éloges qu'on accorde à l'éducation la plus dure, et qui séduisirent Pierre-le-Grand au point qu'il ordonna de ne laisser boire que de l'eau de mer aux enfants de ses matelots, épreuve étrange qui coûta la vie à ces malheureux, il est certain qu'un grand nombre de jeunes sauvages périssaient par la faim, par la soif, par le froid et la fatigue.
On trouva dans le Canada trois langues mères, l'algonquine, la siouse et la hurone. On pensa que ces langues étaient primitives, parce qu'elles renfermaient chacune un grand nombre de ces mots imitatifs qui désignent les choses par le son.
Les dialectes qui en dérivaient se multipliaient presque autant que les bourgades. On n'y remarquait point de termes abstraits, parce que l'esprit des sauvages était encore dans l'enfance. D'ailleurs, le langage de ces peuples, presque toujours animé d'un sentiment prompt, unique et profond, remué par les grandes scènes de la nature, prenait dans leur imagination sensible un caractère vivant et poétique.
Leur âme s'exprimait comme leurs yeux voyaient. C'était toujours des êtres physiques qu'ils retraçaient avec des couleurs sensibles, alors leurs discours devenaient pittoresques.
Le geste, l’attitude ou l’action du corps, l’inflexion de la voix, suppléaient ou achevaient ce que la parole ne pouvait faire. Les métaphores étaient plus hardies, plus imagées dans la simple conversation qu'elles ne le sont dans la poésie des langues de l'Europe.
Leurs harangues dans les assemblées publiques étaient surtout remplies d'images, d'énergie et de mouvement. Jamais un orateur grec ou romain ne parla peut-être avec autant de force et de sublimité que le chef de ces sauvages, qui répondit alors qu'on voulait les éloigner de leur patrie :
« Nous sommes nés sur cette terre, dit-il majestueusement. Nos pères y sont ensevelis ! Dirons-nous aux ossements de nos pères : Levez-vous, et venez avec nous dans une terre étrangère ? »
On peut penser que de pareilles nations ne pouvaient pas être aussi douces, aussi faibles que celles du midi de l'Amérique.
Les sauvages Canadiens étaient divisés en plusieurs petites peuplades dont le gouvernement était à peu près le même. Quelques-unes reconnaissaient des chefs héréditaires. D’autres s'en donnaient d'électifs et la plupart n'étaient dirigées que par des vieillards. C'étaient de simples associations fortuites et toujours libres, unies sans aucun lien. La volonté générale n'y assujettissait pas même la volonté particulière.
Les décisions étaient de simples conseils qui n'obligeait personne sous la moindre peine. Si, dans une de ces singulières républiques, on ordonnait la mort d’un homme, c’était plutôt une espèce de guerre contre un ennemi commun qu'un acte judiciaire exercé sur un sujet ou un citoyen.
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