Les lions de mer

 

Un pauvre matelot


...


Mary se réjouissait donc de voir Roswell Gardiner appelé au commandement du Lion-de-Mer, encore qu'elle ne sût pas quelle était la destination de cette petite goélette de cent quarante tonneaux environ. Mais qu'il allât où il voudrait, le Lion de-Mer était sûr d’occuper souvent la pensée de Mary et de ne point être oublié dans ses prières.


Tel était l'état des choses, lorsque le diacre revint de l’assemblée, comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent. Il avait fait la sourde oreille, lorsque sa nièce parla d'envoyer à Sag-Harbourg chercher le docteur Sage. Et, comme nous l'avons dit, la peur de la dépense n'était pas sa seule objection.


La vérité est qu'il ne se souciait nullement de mettre qui que ce fût en communication avec Dogget, qui lui avait révélé des choses qui lui semblaient de grande importance, encore qu'il se fût réservé jusqu'alors la principale clef du mystère.


— Il faut faire un bien long détour, Mary, pour aller au port, dit l'oncle lentement et après une pause.


— Les bateaux y vont souvent et en reviennent en quelques heures.


— Oui, oui, mon enfant... les bateaux... Mais je ne suis pas certain qu'il soit permis d'embarquer le jour du sabbat.


— Je crois, mon oncle, qu'il est toujours permis de faire le bien dans le jour consacré au Seigneur.


— Oui, si l'on avait la certitude de lui faire du bien. À coup sûr, Sage est un fameux médecin, aussi bon qu'aucun de ceux qu’on rencontre dans le pays. Mais, en général, la moitié de l'argent qu’on donne aux médecins est de l'argent perdu.


— Cependant je crois qu'il est de notre devoir de secourir l'un de nos semblables dans la détresse. Et Dagget, je le crains bien, ne passera pas la semaine, si toutefois il passe la nuit.


— Je serais bien fâché qu'il mourût... Oui, je serais extrêmement fâché qu'il mourût... dans ce moment.


— Il mourra je le crains bien, mon oncle, et je serais bien fâchée qu'il en fût ainsi sans que nous ayons au moins la consolation de nous dire que nous avons fait tout ce qu'il était humainement possible pour le sauver.


— C'est si loin, Sag-Harbourg, que d'y députer un messager, cela coûterait gros, et probablement ne servirait pas de grand'chose.


— Je suis sûre que Gardiner ne demanderait pas mieux que d'entreprendre ce petit voyage pour être utile à un marin malade, et qu'il ne demanderait pas d'argent.


— C'est vrai, c'est une justice à rendre à Gardiner, il est fort raisonnable. Et quand j'ai une commission à faire, j'aime beaucoup l’employer.


— Eh bien, reprit la nièce, puisque vous en avez cette opinion, rien de si aisé que de l'envoyer chercher, et de lui demander s'il veut rendre ce service à notre pauvre malade.


— C'est qu'en général ceux qu'on envoie chercher le médecin se croient toujours si pressés qu'ils ne regardent pas à la dépense.


Voyons... d'abord Gardiner se figurera qu'il est obligé de louer un cheval pour traverser Shelter-Island, et peut-être un bateau pour traverser jusqu'au port. Maintenant, si on ne trouve pas de bateau, il est dans le cas de me prendre un autre cheval pour tourner la pointe et arriver dans la baie. C'est une affaire de vingt-cinq francs au moins.


— S'il faut vingt-cinq francs, Roswell les tirera plutôt de sa poche que de demander à un autre de l'aider à faire une bonne action. Mais il n'y aura pas besoin de louer des chevaux. Vous avez la chaloupe du bateau baleinier, qui est à quai et prête à monter.


— C'est vrai, j'oubliais cette chaloupe. En l'employant, on pourra amener le docteur ici sans trop de dépense, surtout si Gardiner ne demande rien pour lui. D'ailleurs je présume que les effets du moribond suffiront pour payer le mémoire du médecin, puisqu'ils ont servi jusqu'ici à payer la logeuse.


Mary se retira plus triste qu'elle ne l'avait encore paru, laissant sous le vestibule son oncle et son prétendu. Après plusieurs recommandations économiques du premier au second, celui-ci courut au bord de l'eau, impatient d'embarquer.


Les lions de mer



À une époque où les différents métiers n’étaient pas aussi nombreux qu’ils peuvent l’être auourd’hui, plusieurs cherchaient comment donner un avenir à leur famille.


Certains s’engageaient donc à bord et partaient vers l’inconnu.


Suivez les nombreuses aventures de ces braves marins qui se sont retrouvés dans des conditions extrêmes.


S’en sont-ils sortis ? À vous de le découvrir dans cette captivante histoire du réputé Fenimore Cooper.