L’expiation de Savéli

 
 

En Russie, l’histoire des malheureus serfs d’un seigneur très cruel.


Il commettait lui-même des crimes et punissait des innocents (la Sibérie), juste pour son plaisir.


Suivez les péripéties d’un jeune homme, Savéli, et les répercussions que cela a provoqué pour le reste de sa vie. Vous serez surpris !

Sommaire


Introduction

Le maître exige

Se révolter ?

Faire punir les malheureux

Le châtiment

Faire un exemple

Quoi faire ?

Aller demander grâce

Aussi blanche que la neige

La cérémonie

Se venger du meurtrier ?

La vengeance

Déterrer les décombres

Redonner la liberté à ses sujets

Savéli et son fils

Que veut-il faire de sa vie ?

Du nouveau à Bagrianovka

Philippe rencontre Catherine

Le congé des fêtes

Fiancés ?

Pourquoi pas ?

Pas facile la rupture

Conclusion



Faire punir les malheureux



Le soleil était levé depuis deux heures quand Bagrianof arriva à la ville. Il se fit conduire aussitôt chez les autorités. Le général-gouverneur, prévenu de son arrivée, le reçut froidement.


— Vos paysans ont voulu vous tuer cette nuit, dites-vous ? De quoi se plaignent-ils ? Car je suppose que ce n'est pas sans motif qu'il en sont venus à cette extrémité.


— Ils ne veulent pas payer leur redevance, ni la dette qu'ils ont contractée envers moi lors des semailles, et le moyen leur a paru bon pour s'acquitter.


— La récolte a-t-elle été meilleure chez vous que chez les propriétaires voisins ?


— Non, Votre Excellence, dit Bagrianof en se mordant les lèvres.


— Vous êtes le maître, après tout, reprit le gouverneur. Ce ne sont pas mes affaires. Et vous dites qu'ils vous ont laissé la vie sauve ?


— Comme Votre Excellence peut en juger elle-même.


— À quelles conditions ?


— Les conditions importent peu. Toute promesse arrachée par la force et sous le coup de la menace est nulle de plein droit.


— Parfaitement, dit le gouverneur avec un signe affirmatif. Et sans doute la première de ces conditions peu importantes a été le secret, et naturellement vous êtes venu les dénoncer ?


— Cela vous étonne, Excellence ? dit Bagrianof, du ton de persiflage qui lui était familier. Il sentait la colère bouillonner en lui sous le regard méprisant de cet homme de bien.


— Non, monsieur Bagrianof, cela ne m'étonne pas. Alors vous voulez une enquête !


— Ma simple déposition doit suffire, je pense ?


— Pas absolument. Mais si vous avez des preuves..


Le visage de Bagrianof se rembrunit. Lui, noble, être appelé à fournir des preuves ! Être confronté avec ses paysans !


— Faites-les interroger. Excellence, cela suffira, je suppose. Mais en attendant, je désire qu'on me donne la force armée pour me garder contre ces forcenés.


— C'est trop juste.. Vous savez qu'il y va des verges et de la Sibérie pour ces malheureux, — ces misérables veux-je dire ?


— Je l'espère, fit Bagrianof.


— C'est bien, monsieur, il sera fait droit à votre requête. Votre village sera occupé par les troupes ce soir même.


— Je remercie Votre Excellence, dit Bagrianof en se dirigeant vers la porte.


Il avait la main sur le bouton lorsque le général-gouverneur, d'un brusque mouvement de colère, fit tomber un livre placé sur le coin de son bureau.


— Bagrianof, dit le gouverneur, que vos paysans, pendant qu'ils y étaient, ont eu grand tort de ne pas vous tuer tout à fait ?


— Ce n'est pas mon humble avis, répondit le seigneur. Je suis le serviteur dévoué de Votre Excellence.


Le général-gouverneur marcha quelque temps de long en large dans son cabinet, en proie à cette rage particulière aux honnêtes gens qui voient échapper un coquin. Enfin, ne découvrant pas d'issue à la situation, il s’arrêta, froissa quelques papiers avec colère et écrivit l'ordre d'occuper militairement le village de Bagrianovka.


— Il n'y a guère de scélérats de cette espèce, murmura-t-il en signant le papier avec un geste de rage. Mais si peu qu'il y en ait, ils déshonorent notre pays, à nos yeux comme à ceux de l'étranger. Si encore ils l'avaient tué ! ne put-il s'empêcher d'ajouter avec regret.


Bagrianof se fit conduire au meilleur hôtel de la ville. C'était une large maison construite en brique, blanchie à la chaux au dehors comme au dedans. Les blattes marron circulaient activement sur le plancher soigneusement lavé. Une vague odeur nauséabonde s'exhalait des Canapés de crin, roussis par l’usage.


Les garçons d'hôtel en chemises rouges couraient çà et là avec des essuie-mains très sales sur le bras, portant des plateaux couverts de tasses de thé, en équilibre sur trois doigts, à la hauteur de leurs oreilles.


À l'entrée de Bagrianof, un mouvement de curiosité se produisit parmi les consommateurs. Des tables les plus reculées, on tendit le cou pour apercevoir le terrible seigneur à la barbe blanche, dont les nourrices évoquaient l'image comme celle de croquemitaine, pour effrayer les enfants.


Plus flatté que blessé de cette curiosité, Bagrianof porta la main au bord de son chapeau.


— Bonjour, messieurs, dit-il.


Un bonjour timide lui répondit. Si personne n'était empressé de frayer avec lui, chacun craignait de s'attirer son inimitié.


Un garçon s'empressa de passer un essuie-main sur une table devenue vacante comme par enchantement, et Bagrianof s'assit en prenant ses aises. Le silence continuait à régner dans la salle. L’hôte s'approchait obséquieux, et salua jusqu'à terre.


— Que faut-il à Votre Seigneurie ? dit-il d'une voix douce.


— Ma Seigneurie veut à dîner. Ce que tu as de meilleur, et vite surtout !


Un menu succulent fut bientôt arrêté.


— Et des confitures, ajouta Bagrianof. J'aime les confitures.


L'hôte disparut comme une ombre chinoise.


Un marchand de drap, gros bonnet de la ville, se décida à entamer la conversation.


— Vous voilà donc en ville, Votre Seigneurie, dit-il, non sans s'étonner de sa propre hardiesse.


— Comme tu le vois, répondit Bagrianof, en s'allongeant sur deux chaises.


— Permettez-nous de nous informer si c'est pour votre plaisir ou pour vos affaires, continua le marchand, prenant courage.


— Pour l'un et pour l'autre, répondit Bagrianof d'un air agréable. Mais je ne t'achèterai rien aujourd'hui, André Procofitch.


— Oh ! ce n'est pas l'intérêt qui me fait parler... Alors Votre Seigneurie ne fera pas d'emplettes ?


Le plateau du dîner dispensa Bagrianof d'une réponse. Il se mit à manger avec un véritable plaisir. Les émotions de la veille et cette froide journée d'octobre lui avait ouvert l'appétit.


Il dîna copieusement, arrosa son repas d'une bouteille de vin de Bordeaux, — il aimait les vins de France, — se fit faire une tasse de café, puis recula jusqu'à la muraille sur sa chaise qu'il fit pivoter. De là, il jeta sur l'assistance un regard moqueur.


— Et maintenant, mes pigeons chéris, dit-il, vous voudriez bien savoir pourquoi je suis venu à la ville ?


— Certainement, Votre Seigneurie, fit un gros marchand joufflu qui se trouvait près de lui.


— Eh bien, mes frères bien aimés, je vais satisfaire votre curiosité. Je suis venu parce que mes paysans — quelle racaille ! — ont voulu m'assassiner cette nuit.


Un murmure d'étonnement plus que d'horreur parcourut le groupe.


— Ils ont voulu m'assassiner, continua Bagrianof excité par le vin qu'il venait de boire. Mais je leur ai promis tout ce qu'ils ont voulu, et ils m'ont laisser aller, les imbéciles ! Dis donc aussi que ce sont des imbéciles, toi, fit-il en poussant rudement le marchand joufflu, qui se trouvait à portée de son bras.


Le groupe recula tout entier, comme un automate. On ne riait plus.


Bagrianof fronça légèrement le sourcil et scruta les visages qui le regardaient. Puis, se rappelant qu'il n'était plus sur ses terres, il reprit son attitude aisée, adossé au mur et se balançant sur sa chaise.


— Oui, reprit-il, ils m'ont laissé aller, et je suis arrivé chez le général-gouverneur. Il n'est pas aimable, votre général-gouverneur. C’est une vieille bûche.


Mais ça n'empêche pas que demain, le village sera occupé par les troupes, et les bons chrétiens qui ont voulu m'envoyer en paradis iront en Sibérie, après qu'on leur aura convenablement frotté le dos. Voilà ce qui m'a fait dire que j'étais venu pour mon plaisir, aussi bien que pour mes affaires.


Le silence continuait glacial. Sensiblement, le cercle vide s'était agrandi autour de Bagrianof.


— Eh ! garçon, cria-t-il, fais-moi un peu de musique. J'aime la musique après dîner.


Un garçon de service se glissa près du grand orgue de Barbarie qui occupe invariablement le fond de la salle d'honneur dans toute auberge russe, et mit en mouvement la lourde manivelle.


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Châtiment et révolte, violer une jeune fille pour sauver son fiancé, punir les malheureux innocents, attaquer à la hache et mettre le feu, rendre la liberté à ses sujets, la maladéction sur 14 générations, les envoyer en Sibérie pour y mourrir

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