Petit Robot                        Louise Alarie

 

Une si belle carrière !  Pourquoi a-t-il le coeur brisé ?  Suivez les surprenantes aventures de Petit Robot et de son papa.

En voici un extrait:

LE PETIT ROBOT

                                                                                                                                   


Un film pour enfant se prépare sur le plateau de cinéma. Les personnages sont des robots et la vedette est un tout petit robot très sympathique.


– J’en veux un plus beau ! lance le grand directeur du film en regardant le petit robot. Il est trop semblable aux autres, je le veux différent, est-ce bien entendu ?


Puis, il sort vivement du studio.


– Eh bien, mon vieux, on ferait mieux de s’y mettre, le grand patron désire un beau robot.


– Que peut-on ajouter à ce tas de ferraille ?


– Il faut lui donner la vie pour qu’il devienne beau, il n’y a pas d’autre solution, sinon un robot est un robot et ce n’est pas très beau, explique Francis, songeur. Écoute Dick. Rentre, il est tard, je vais rester un peu et voir ce que je peux faire.


– Merci, je suis épuisé, je rentre. À demain, Francis !


Francis prend la manette de contrôle sur l’établi, va s’asseoir dans le vieux fauteuil maculé* de taches et se frotte vigoureusement les joues qui grattent sous la pression de ses mains. Machinalement*, il pousse les boutons du contrôle et le robot allume ses petites lumières plantées au sommet de sa tête ovale.


« Il est vrai, se dit Francis, que ce robot ressemble aux autres. Il est aussi grotesque et ridicule que n’importe quelle mécanique articulée. »


Francis le fait bouger doucement et l’observe.


« Il marche bien droit et bien raide comme un bon petit robot bien élevé… et si j’en faisais un boiteux ?  Ce serait peut-être une bonne idée. »


Francis attrape son robot, le couche sur l’établi, lui ouvre le ventre et tripote ses fils durant un long moment puis, sans perdre un instant, il le pose par terre et se précipite vers sa manette.


Immédiatement, les membres du robot se mettent à bouger. La jambe gauche tire un peu de l’arrière et cela dé-balance légèrement le petit robot.


– Génial ! s’écrie Francis, tu es beaucoup plus attachant de cette façon. Demain, je vais modifier ton visage et te trouver un nom.


Francis quitte l’atelier tout à fait rassuré. Il sait qu’il donnera une personnalité propre à son robot.


C’est Dick qui entre le premier le lendemain matin.


« Voyons ce que Francis a réussi à faire avec le robot. »


Il le met en marche et le regarde marcher en boitant.


« Ça par exemple ! Francis en a fait un infirme, quelle bonne idée ! Les enfants vont l’adorer et le prendre en pitié. »


Dick ouvre la porte et dirige le robot vers la grande salle d’essai, là ou se trouve les autres robots qui devaient faire partie de la distribution.


Le petit robot essaie de maintenir sa vitesse mais sa jambe court-circuitée le retarde.


Les techniciens le regardent en riant.


– Attends, Dick, je vais l’embarrasser davantage en lui plantant ce feutre sur la tête.


Il demande un chapeau à Carole qui s’empresse de le lui donner mais le feutre glisse. Vif comme l’éclair, Dick, à l’aide de sa manette, la lui fait rattraper aussitôt, mais il échappe les dossiers qu’il tenait. Il se penche pour les ramasser et voilà que le chapeau glisse de nouveau et tombe. Dick lui fait reprendre son chapeau. Le petit robot est si drôle que les techniciens font jouer à leurs autres robots une nouvelle scène.


Le plus grand des robots, fatigué de l’attendre tient le chapeau sur la tête du petit pendant qu’il ramasse ses effets répandus sur le sol.


La scène amusante n’a pas échappé au directeur qui la regarde en souriant depuis la fenêtre vitrée.


– Oh ! s’exclame Dick, le patron sourit, c’est bon signe !


Quelques minutes plus tard, le directeur se retrouve sur le plateau.


– Bon, les enfants, c’est une excellente idée mais je ne veux pas qu’on le rende grotesque. Laissez-lui son chapeau et sa jambe raide mais rendez-le touchant dans ses réactions, il ne doit pas paraître ridicule, en aucun moment.


Le réalisateur ressort aussi vite qu’il est venu.


– Dommage ! lance Peter, il était si comique.


Francis arrive au même moment et rejoint le groupe.


Dick va vers lui et dit :


– Ça a marché, Francis ! Le patron est content du travail qui a été fait sur le petit robot.


– Merci, Dick. J’aimerais changer ses traits, lui donner une expression différente. Une expression courageuse mêlée d’un peu de tristesse.


– Tu crois que tu peux faire ça à cette boîte de conserve ?


– Certainement, l’art c’est l’art, peu importe dans quoi on le crée !


– C’est toi l’inventeur !


– C’est vrai Dick, c’est moi le créateur ! Viens bébé ! lance-t-il au petit robot.


Francis ferme la marche en observant attentivement son robot.


« De grands yeux tristes et une bouche courageuse, voilà ce que je vais lui dessiner. »


Francis pousse quelques outils et place une grande feuille blanche sur sa table à dessin. Sans s’occuper du reste, il dessine des yeux et des bouches sur toute l’étendue de la feuille puis prend les ciseaux et commence à les découper.


Sous l’œil attentif de Dick, il place différents yeux et différentes bouches sur le robot, jusqu’à ce que l’ensemble lui plaise.


Regardant Dick, il demande :


– Qu’en penses-tu ?


– C’est bon ! Excellent, même. Quelle couleur vas-tu donner aux yeux ?


– Le métal est pâle, je les veux foncés et intelligents. Nous placerons une lumière douce derrière ses yeux et nous enlèverons celle qu’il a sur la tête. Je ne veux pas d’une lumière vive qui clignote. La bouche sera découpée dans le caoutchouc et sera fixe, seuls les yeux seront mobiles à certains moments. Peux-tu t’en occuper ? Je vais nous chercher à déjeuner.


– Certainement, Francis, apporte-moi un sandwich au jambon et un café. Au fait, comment vas-tu l’appeler ?


– Colin, sera son nom !



1- Maculé : Taché.

2- Machinalement : Sans trop y penser.