La fille des indiens rouges

 
 

Un Français, abandonné par son propre équipage échoue dans des endroits plutôt sauvages.


Auriez-vous aimé rencontrer les Esquimaux du Groenland, du Labrador ou de Terre-Neuve.


Suivez cette aventure qui sort des chemins battus.

Sommaire


À mon ami

Introduction

Guillaume Dubreuil

L’insurrection

L'incertitude pénètrent ses chairs

Un monstre

Les sauvages

Le Groenland

Les Esquimaux

L’angekkok-poglit

Tout pour la charmante Toutou-Mak

La légende du Groëland

Le mariage

Kougib

On attaque le Français

Complot

Une veuve doit être confinée

Sortir l’arbre de l’eau

Chasser le caribou

L’accident

En convalescence

La lune et le soleil

Une autre île ?

Mais où trouver un bateau ?

Le départ

La traversée

Aurions-nous touché ?

La tempête

Terre !

La rixe

Captif

La fête du soleil

Le chant de mort

Kouckedaoui

L’Île des Grandes Cascades

Terre-Neuve

La mort de l'Indien Rouge

Retrouvée

Le village des Indiens Rouges

Bristol

Une ville éprouvée par la guerre civile

Jean et Sébastien Cabot

Le château

Toutou-Mak indique où sont les cartes

Prisonnière sur le Matthew

Un prisonnier connu

La fuite

Conclusion

Des livres captivants

Mot de la fin



Note à propos de la couverture : L’image vient de Vac / Dreamstime.com




L’insurrection



Ils affrétèrent le Saint-Remi, joli brick de cent vingt tonneaux, monté par 30 hommes d'équipage et pourvu de provisions pour un an.


Guillaume leva l'ancre au commencement de mars de l'année 1494, et après une pénible traversée de plus de trois mois, atteignit le 55° de latitude nord et le 40° de longitude ouest, sans avoir aperçu aucune terre.


Malheureusement, les vivres étant de mauvaise qualité, on avait dû en jeter la plus grande partie par-dessus bord, et une voie d'eau s'étant déclarée dans la cale, plusieurs barriques avaient été avariées.


De là, murmures parmi l'équipage, ignorant que bientôt les montagnes de glace lui fourniraient de l'eau douce à discrétion, et qui eût préféré la pêche à un voyage dont il ne voyait pas la fin et dont le but l'intéressait médiocrement. Si la diminution forcée des rations avait donné lieu à ces murmures, les rigueurs de la température, au point où était parvenu le navire, ne tendaient pas à les faire cesser.


La mer était continuellement houleuse, couverte de montagnes de glace énormes, entre lesquelles le vaisseau avait souvent peine à se frayer passage. Le vent soufflait avec une âpreté qui gelait les doigts des matelots employés à la manoeuvre.


Et le ciel, toujours voilé, toujours sombre, ou bien roulait d'épais nuages noirs, précurseurs de tempêtes effroyables, menaçant à chaque minute d'engloutir le misérable brick, ou bien il s'ouvrait pour laisser échapper des tourbillons de neige, si pressés que l'air en devenait compact, si aveuglants que les plus intrépides gabiers hésitaient à monter alors dans les hunes.


Encore, si le commandant du Saint-Remi eût été un de ces patrons doux et familiers, comme le sont habituellement ceux des bateaux-pêcheurs ! Lui doux ! Jour de Dieu ! Jamais une punition n'était assez dure, jamais la moindre infraction à la discipline n'était pardonnée ! Lui familier ! Il ne parlait qu'à son second, Louison, surnommé le Borgne, parce qu'il avait perdu l'oeil droit dans une rixe, et il ne lui parlait que pour les affaires du service. Aussi, Louison détestait-il Guillaume.


Accoutumé à traiter en égaux les patrons des navires où il était employé, le second n'avait pu se faire à la fierté du capitaine. Sans instruction, il jalousait celle de son supérieur. Sans tenue vis-à-vis de ses subalternes, il ne s'expliquait pas la hauteur de Dubreuil, bien qu'elle l'irritât et le portât à des hostilités contre lui.


Sourdes d'abord, ces hostilités prirent un caractère moins secret quelques jours avant l'époque de notre récit. Dubreuil était trop occupé ou trop altier pour y prêter attention. Sa négligence ou son orgueil lui fut funeste, car Louison, exaspéré contre ce despotisme tout à fait inusité sur les bateaux-pêcheurs, attisa, au lieu de les réprimer, les dispositions des matelots à la révolte.


Les plaintes dont il se faisait l'écho officieux étaient autant les siennes que celles de l'équipage. Et en sortant de la cabine de Dubreuil, après la conversation rapportée plus haut, furieux du mépris qui avait accueilli ses déclarations, il jura de tirer, sans plus tarder, de son capitaine une vengeance terrible.


Les têtes étaient montées, le complot prêt, rien de plus facile que de le faire éclater.


Louison le Borgne ordonna au clairon du bord de sonner l'appel.


Bientôt, les matelots furent alignés sur le pont. Ce matin-là, le temps était assez clair. Mais le froid avait doublé d'intensité, et les pauvres marins, exposés à cette atmosphère glaciale, sentirent le sang se figer dans leurs veines. Ils grelottaient et avaient peine à conserver l'immobilité réglementaire. Quelques récriminations furent chuchotées.


Louison feignit de ne pas entendre.


Après avoir lentement fait l'appel, il cria :


– Le Cabochard, quittez les rangs !


Un gros gaillard, au visage renfrogné, sournois, s'avança vers le second.


– Par ordre du patron, continua celui-ci, vous êtes condamné à la grand'cale.


– À la grand'cale ! fit le matelot frissonnant de terreur.


– Oui, poursuivit impitoyablement Louison, vous êtes condamné à la grand'cale par ordre, du patron.


Et il appuya avec force sur ces derniers mots.


– Mais il veut donc me faire mourir, le capitaine ! À la grand'cale par une froidure pareille ! Et qu'est-ce que j'ai fait, dites-moi ?


– Ah ! répondit Louison, avec une apparente commisération, tu as désobéi, tu as clabaudé, dit le capitaine. Allons, déshabille-toi.


Cabochard tourna les yeux sur ses camarades comme pour leur demander conseil.


– Non non ! crièrent à la fois plusieurs d'entre eux. Non, non ! Ne te déshabille pas. C'est une monstruosité de vouloir plonger maintenant un homme dans l'eau. Nous ne le souffrirons pas. À bas le patron ! À bas !


Un imperceptible sourire de satisfaction plissa les lèvres de Louison.


– Le fait est, insinua-t-il à mi-voix, que c'est un rude châtiment. Le capitaine n'aura pas réfléchi. Je vais, si vous le voulez, intercéder auprès de lui pour que la cale sèche soit substituée…


– Point de cale, point de punition ! hurlèrent les matelots.


– Silence dans les rangs ! enjoignit Louison.


Puis il ajouta :


– Brûlé-Tout, Gignoux, Loup-de-Mer, recevront la même peine, par ordre spécial du capitaine.


Mais un concert d'imprécations formidables couvrit aussitôt ces paroles.


On eût dit que l'équipage n'attendait que cet instant pour exprimer ouvertement, violemment, sa haine contre Guillaume Dubreuil. Les rangs furent rompus, et les matelots furieux, vociférant, rugissant comme des bêtes féroces qui viennent de briser les barreaux de leur cage, se précipitèrent en tumulte vers la poupe du navire.


C'est que, s'il est cruel dans toutes les saisons et sous tous les climats, le supplice de la grand'cale est particulièrement affreux dans les mers boréales, car on sait qu'il consiste à hisser le patient, par une corde, à l'extrémité de la grand'vergue, puis à le laisser tomber dans l'eau, du côté droit du navire, par exemple, et à le ramener à gauche du bâtiment, en le passant par-dessous la quille.


Sans doute, en prononçant cette terrible sentence contre les mutins, Dubreuil avait oublié la latitude sous laquelle il naviguait. Sa sévérité n'allait pas jusqu'à l'inhumanité, son amour-propre jusqu'à la tyrannie.


Mais, lassés de ses procédés, s'exagérant à l'envi la rigueur de ses intentions, les hommes du Saint-Remi profitèrent avidement d'une circonstance qui semblait justifier, en quelque sorte, la conjuration qu'ils avaient ourdie contre lui.


L'hypocrite Louison fit mine de vouloir les arrêter. Dans le fond, il était enchanté de la réussite de ses intrigues.


– Qu'allez-vous faire, camarades ! Qu'allez-vous faire ? disait-il de sa voix mielleuse, en se plantant devant le capot d'échelle.


– À mort ! à mort ! à mort le patron ! beuglaient les forcenés.


Et, écartant Louison, qui n'opposa aucune résistance, ils se précipitèrent dans la cabine du capitaine.


Assis devant une table chargée de manuscrits, de cartes et d'instruments de mathématiques, Dubreuil était si absorbé par son travail que les clameurs de la révolte n'étaient point arrivées à ses oreilles. Il avait les yeux fixés sur une mappemonde de parchemin, écrite en lettres rouges et enluminée de riches couleurs, suivant la mode du temps.


Conformément à l'opinion reçue, dans cette carte, Jérusalem se trouvait placée au centre de la terre. En haut de la feuille on lisait le mot ; Orient, au bas, celui d'Occident. À droite, Midi, à Gauche, Septentrion.


Entre deux lignes, se coupant à angles droits au point désigné pour représenter Jérusalem, les profils des trois parties du monde connu, Europe, Asie, Afrique, étaient dessinés assez exactement. Mais les limites des régions n'offraient que des lignes droites ou légèrement courbées, sans angles saillants et rentrants.


De petites enceintes figuraient les montagnes. Les îles se montraient sous la forme d'un o, et deux lignes parallèles, d'une inexorable rigidité, annonçaient les fleuves. Sur la gauche, un pointillage, fraîchement exécuté, indiquait les terres découvertes depuis peu par Christophe Colomb.


– Sans nul doute, pensait Dubreuil, le passage que je cherche existe. Sans nul doute, il se doit trouver, là-haut, vers le 70° de latitude, aux confins de quelque vaste continent. Si la raison, si les connaissances modernes ne nous en donnaient la certitude, les historiens, les géographes, et jusqu'aux poètes de l'antiquité, surgiraient de leurs tombes pour nous l'apprendre.


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