L’île de Sable

 

Notre premier gouverneur canadien, le marquis de la Roche, se trouvait à bord de ce navire qui a dû débarquer plusieurs personnes sur l'île de Sable, aujourd’hui Parc national.


Auriez-vous apprécier cette expérience ? J'en doute. Voyez comment ces personnages y réussirent.

Sommaire


Prologue

EN BRETAGNE

Les routiers

Laure de Kerskoên

Le manoir

L’oncle et la nièce

Le ménestrel

L’attaque

Bertrand

L’évasion

Avant le départ

EN MER

Guyonne la poissonnière

À Saint-Malo

L’embarquement

À bord du Castor

La tempête

Le complot

Révolte à bord

Exécution

Le pilote

La disette

Enfin la terre

Arrivée

L'ÎLE DE SABLE

Sur l’île

Les 40 individus

Une première journée sur l’Île de sable

L’exploration

Brise-tout

La légende

Le naufrage

Les épaves

L’épave de L’Érable

Que contient le coffret ?

Mystérieux

Découverts

La mort de Brise-tout

Perplexité

Intrigue

Une insurrection

Le combat

GUYONNE ET JEAN DE GANAY

Cinq ans après

Guyonne

Le muet

Philippe et Guyonne

Fragments de journal

La surprise

Demandes et réponses

Guyonne et Jean

Amour

Le retour du castor

Prologue

Des livres captivants

Mot de la fin



Note à propos de la couverture : Photo d’un navire dans le sable

de Atanasis / Dreamstime.com



L’oncle et la nièce



Cependant, Laure de Kerskoên s'était de nouveau jetée dans sa chaire et elle réfléchissait.


Quelle folie ! M'écrire qu'il viendra ce soir ! Ne lui avais-je pas dit que j'attendais mon oncle ! Mais, que signifient ces mots : « Ne craignez rien. Mes précautions sont bien prises. Demain, si vous le voulez, nous serons unis par des liens indissolubles ! »


Oh ! Je tremble ! Que prétend-il faire ? Cher Bertrand, il est capable de tout… il m'aime tant ! Pourquoi faut-il qu'une inimitié mortelle divise nos parents ? Mais, non, non, je n'aurai jamais d'autre époux que lui au monde ! Oh ! Plutôt je préférerais m'enterrer dans un cloître ! Mon amour n'est-il pas juste, n'est-il pas légitime ?


Mon existence ne la dois-je pas à ce valeureux champion ? Où serais-je sans lui, bonne Sainte-Marie ! Au péril de sa vie, il m'a arrachée aux flammes qui dévoraient le couvent de ma tante… Comme il est beau, comme il est brave ! Et puis, si timide avec moi ! Affrontant tous les dangers pour venir soupirer un instant sous les fenêtres de sa reine !


Quelle différence avec ce Jean de Ganay, dont les assiduités m'importunent ! D'ailleurs, quoi qu'en pense le marquis de la Roche, il ne me semble pas loyal catholique, le Bourguignon ! Je ne me souviens pas de lui avoir vu faire le signe de la croix, et il trouve toujours un prétexte pour ne pas assister au divin sacrifice de la messe.


Bien au contraire, Bertrand n'y manque jamais, lui ! Chaque dimanche, déguisé en serf, je l'aperçois pieusement humilié en un coin de l'église du hameau, où je vais régulièrement depuis la mort de notre digne chapelain… Venir ce soir, quelle imprudence ! Si je pouvais l'avertir ! Impossible, Adresse est trop grièvement blessée !


Que résoudre ? Si je savais où il est ! Et cet écuyer qui rôde sans cesse sur les remparts ! En disant à monseigneur de la Roche de doubler les gardes, parce que… parce que… Mauvais moyen, mauvais moyen. Mon oncle concevrait des soupçons ! Fatalité ! Quelque magicien m'aura jeté un sort, c'est sûr… Il faut implorer le secours de ma miséricordieuse patronne !


Ayant formé ce dessein, la dévotieuse jeune fille courut s'agenouiller devant son prie-Dieu.


Tandis qu'elle était ainsi prosternée, Guillaume de la Roche entra sans bruit chez elle.


Ne voulant point troubler ses oraisons, il allait se retirer, car il était bien loin de se douter, le rigide tuteur, que c'était une pensée terrestre, une pensée mondaine, une pensée d'amante insoumise, qui absorbait ainsi l'attention de sa pupille. Mais tout à coup celle-ci s'écria avec allégresse :


– Oh ! merci, merci ! Bienheureuse patronne, vous avez exaucé mes voeux. Il est sauvé !


– Qui cela ? demanda le marquis.


– Monseigneur de la Roche ! balbutia Laure interdite.


– Eh bien ! Chère enfant, est-ce ainsi que vous recevez votre oncle après deux mois d'absence ?


– Pardon, pardon, dit Laure en rougissant, je…


– Vous ne m'attendiez pas, méchante fille, reprit Guillaume en la baisant tendrement au front. Mais grâce au ciel, nous sommes revenus sains et saufs et tout est prêt pour notre prochain départ.


– Votre prochain départ !


– Ah ! ma mie, vous gémirez, car j'emmène avec moi le chevalier de vos pensées. Jean de Ganay m'accompagnera à la Nouvelle-France. Ça, ne te désole pas, ma Laurette. Ne baisse pas ces grands yeux bleus pour cacher ton affliction. Je te promets de te le rendre dans un an au plus.


– Mais, monseigneur…


– Mais quoi, mademoiselle ? dit Guillaume en s'asseyant et l'attirant sur ses genoux.


– Mais…


– Puisque je te promets de te le rendre. Ne vas-tu pas être jalouse de ton vieil oncle ? La séparation vous fortifiera tous deux, et vous me saurez gré de vous avoir tenus éloignés durant quelque temps. Tu passeras ton veuvage chez l'abbesse du moustier de Blois.


– Mais, mon oncle, dit enfin la jeune châtelaine qui s'était peu à peu remise de son émotion, ne m'avez-vous pas annoncé que votre projet de fonder une colonie à la Nouvelle-France était ajourné ?


– Ah ! répliqua le marquis en souriant, c'est moins mon projet de colonisation que le colon que j'enlève qui m'attire cette insidieuse question.


– Vous avez donc obtenu vos lettres patentes ? dit-elle avec une agitation qui échappa à son interlocuteur.


– Bien mieux, répondit-il. J'ai triomphé des pièges que m'avait tendus le duc de Mercoeur.


Laure tressaillit.


– Chère enfant, dit de la Roche en la pressant affectueusement contre sa poitrine, tu me pardonneras de te délaisser. Mais la voix de Dieu parle à ma conscience. Il faut que je parte.


Nouveau Pierre l'Hermite, je porterai la bannière de l'Église romaine au milieu des infidèles, et bientôt l'autre rive de l'Atlantique retentira de louanges au Tout-Puissant. Courage, ma fille ! Offre ton âme à Dieu ! Il t'aidera à supporter cette épreuve.


Laure était sensible. Élevée par Guillaume de la Roche qui l'avait gâtée, elle le chérissait à l'égal d'un père. Si les longues expéditions de son tuteur ne l'avaient jamais effrayée, à cette époque de troubles et de guerres civiles, l'idée d'un voyage au-delà de l'Océan, vers des contrées qu'on jugeait beaucoup plus lointaines qu'elles ne le sont réellement, cette idée, disons-nous, ne pouvait manquer de l'attrister. Elle fondit en larmes.


Persuadé que ces larmes avaient plutôt son écuyer pour objet que lui-même, Guillaume essaya de la consoler par des caresses. Puis s'imaginant opposer un remède souverain à la douleur de sa nièce, il lui dit en la quittant :


– Allons, enfant, sèche tes pleurs. Vous serez fiancés avant que nous nous embarquions.


Aussitôt qu'il eut laissé la chambre, Laure frappa trois fois sur un gong avec une baguette d'argent. Sa camériste, jeune Picarde accorte, avenante, parut.


– Suzette, quel est le sergent de garde à la porte du château ?


La soubrette cligna de l'oeil d'un air intelligent et répondit :


– C'est Goliath !


– Descends à l'office, et ordonne au sommelier de ne pas oublier ce soir le poste… Tu m'entends !


– Mademoiselle sera obéie, dit Suzette en s'inclinant.


– Ah ! je suis indisposée… Je ne paraîtrai pas au souper.


Suzette fit une deuxième révérence et sortit.


– Comme cela, s'écria alors la nièce du marquis, peut-être réussirai-je à le voir en sûreté !


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