La Huronne 1 / 2
Sommaire
PROLOGUE
Il faut partir
C’est là
Meurtre inaperçu ?
Jacques et son maître
La lettre de sa fille
PARTIE UN : ALPHONSE ET ALFRED
1. Pour commencer
2. Prétentions au genre descriptif
3. Un amour comme on en a rarement vu
4. Mlle Zoé Castor et M. Alfred Robin
5. Une foule de choses intéressantes
6. Chez Alphonse
7. Une confidence en perspective
8. La grande confidence
9. Une société secrète
10. La Huronne de Lorette et Alphonse Mougenot
11. La rencontre
DEUXIÈME PARTIE : LE VOYAGE
12. Que fait-on en hiver ?
13. Mougenot en veut à Clairville
14. Un drame américain
15. Danger sur le Saint-Laurent
16. Trois-Rivières
17. Chez les Mougenot
18. Le dîner
19. À la pêche sur le Saint-Laurent
20. Mlle Mougenot
21. Triste
22. De retour à Québec
23. Une émeute canadienne
24. Bon conseil aux Canadiens
25. Un Indien jaloux
26. Une épluchette de blé d’Inde
27. Le charivari
28. À la sucrière
3. Un amour comme on en a rarement vu
Après avoir quitté son ami Alphonse Mougenot et la maison des Escaliers du Casse-cou, Alfred Robin, le coeur plus lourd que la bourse, s’achemina vers la porte Prescott, en fredonnant un air d’opéra, car, je vous le dis en passant, il avait un faible. Il affichait la gaieté quand son âme était noyée d’amertume.
Alors, comme aujourd’hui, les marches de la poterne de la porte Prescott étaient envahies par une nuée de marchandes : poissonnières, fruitières, pâtissières, passementières, Irlandaises pur sang, qui se sont délivré un brevet d’importunité, sans garantie aucune du gouvernement, nous aimons à le penser.
Quand donc Alfred Robin passa entre la double haie des négociantes au petit pied, il fut assailli par un feu croisé d’apostrophes oscillants entre l’andante et le reforzando, avec la gamme chromatique pour trait d’union.
— Glorious apples, sir! (Des pommes superbes, monsieur !)
— Splendid mutton pies, my jewell! (Des pâtés au mouton succulents, mon bijou !)
— Look here, mister! The beautiful garmints. (Voyez, mon gentilhomme, les belles broderies !)
— Well, my darling, wont you buy some sweeties? (Eh ! mon petit chéri, ne m’achetez-vous pas quelques friandises ?)
— Buy a thrifle, sir, to help the poor people along in these hard times. (Achetez-en, monsieur, pour aider les pauvres gens du bon Dieu dans ces temps de misère.)
Comme il se peut, lecteur, que vous ne connaissiez pas mieux le patois des Paddies (Irlandais) que votre serviteur, il s’abstiendra d’égrener davantage le chapelet des interpellations qui déchirèrent les oreilles d’Alfred Robin à ce moment.
Intrépide, comme un soldat éprouvé par plusieurs escarmouches, il s’avança bravement au milieu des harengères et s’arrêta devant une jeune fille, assise sur les degrés et à côté de laquelle on voyait un panier où s’entre-cherchaient quelques brioches, rares il est vrai, mais à la croûte dorée et appétissante au possible.
Cette jeune fille se tenait à l’écart, semblant éviter le contact de ses grossières concurrentes.
Si elle était pauvrement vêtue, sa toilette avait un air de propreté qui séduisait au premier aspect. On admirait presque cette caline de tulle qui couvrait à demi une forêt de beaux cheveux châtains soigneusement lissés et partagés sur le front.
Cette robe d’indienne dont la couleur primitive avait disparu sous de nombreux lavages, et dont certaines pièces de teintes plus foncées attestaient « du temps l’irréparable outrage », mais qui, vierge de toute tache, emprisonnait la taille la plus accomplie qu’on pût rêver.
Cependant, Mariette, c’était le nom de la jeune fille, n’avait ni cette fraîcheur appelée bien méchamment, il faut en convenir, la beauté du diable, ni cette régularité de traits appelée bien raisonnablement, il faut en convenir aussi, la beauté classique, désignée de la sorte, par antiphrase, pour exprimer la laideur morne, froide et pédante d’une figure académique.
Mariette avait la face couturée, contournée même, par les ravages de la petite vérole ou plutôt de la picote (pour nous servir de l’expression populaire au Canada).
La peau mate et jaunâtre, les lèvres décolorées, et pourtant, par un bizarre caprice du fléau qui l’avait dévisagée, son front blanc et poli comme un marbre servait de couronnement à deux yeux, si divinement ciselés, si radieux d’un doux éclat quand une mélancolie habituelle ne les voilait pas sous leur réseau de longs cils, qu’en les contemplant, on s’oubliait à broder un roman d’amour.
Et puis, ajoutons-le, la main de Mariette eût causé bien des jalousies dans les salons de la plus haute aristocratie, et son pied, toujours chaussé avec une sorte d’élégance, était digne de la main.
—Bonjour, mam’selle Mariette, dit affectueusement Alfred en s’adressant à la jeune fille.
— Bonjour, monsieur, répondit-elle avec un trouble qui échappa à l’artiste.
— Eh bien ! mam’selle Mariette, comment vont nos petites affaires, aujourd’hui ?
— Tout doucement, monsieur, je vous remercie.
— Vous paraissez triste, mam’selle Mariette. Est-ce que vous auriez du chagrin ?
Un sourire pâle effleura la bouche de la revendeuse, qui répliqua en hésitant :
— Des chagrins ! Dame, chacun a les siens, mais les pauvres gens en ont plus que les riches.
— Ça, c’est un peu vrai, mam’selle Mariette. Mais bah ! il ne faut pas vous imaginer que la fortune seul donne le bonheur, quoique je n’aie appris cette maxime que par oui-dire, car la fortune et moi nous sommes deux ennemis irréconciliables. Mais je vous retiens là, comme un imbécile, sans songer que j’empêche vos chalands d’approcher. Voyons, qu’avez-vous à me vendre ?
— Ce que vous voudrez, dit Mariette en désignant du geste son panier.
— Des gâteaux de maïs, des pains d’épices, murmura Alfred, hum ! hum ! Zoé, n’est trop friande de ce genre de régal.
— Voici des ginger cakes.
— Des biscuits au gingembre, encore moins, dit Robin. Si j’en offrais un à Zoé, elle me bouderait pendant six semaines.
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Les moeurs des Canadiens-français et des Indiens vers 1840 nous en disent long sur ce que l’on est devenu comme peuple.
Auriez-vous aimé prendre part à ces évènements qui se sont passés à Québec ou encore à Trois-Rivières ?
Entre autres, l’auteur n’a sûrement pas apprécié la ballade entre la Basse et la Haute-Ville à Québec, jugez-en par vous-mêmes.
Pour la première fois sous forme de ebook, tapé (dactylographié) pour vous avec amour !