SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE
ORIGINES ET ÉVOLUTION HISTORIQUE DE LA NATION CANADIENNE
LES ORIGINES
LA COLONISATION
PERTE DE LA COLONIE
L'ANGLETERRE S'ATTACHE LES CANADIENS. LA FRANCE LES OUBLIE (1763-1778).
DES RIVAUX AUX CANADIENS : LES LOYALISTES (1778-1791)
GAULOIS CONTRE SAXONS. LA RÉVOLTE DE 1837.
MALGRÉ LA RÉPRESSION, LES CANADIENS PROGRESSENT. RÉGIME DE L'UNION DES PROVINCES (1840-1867)
L'AUTONOMIE DES CANADIENS. LE DOMINION (1867).
L'AUTONOMIE DES CANADIENS-FRANÇAIS. LA PROVINCE DE QUÉBEC.
DEUXIÈME PARTIE
ÉTAT ACTUEL, AU POINT DE VUE MATÉRIEL ET MORAL, DE LA NATION CANADIENNE. TERRITOIRE — POPULATION — SENTIMENT NATIONAL
LE TERRITOIRE DES CANADIENS ET SA RICHESSE
LA FORÊT ET LES FORESTIERS
LE PRÊTRE COLONISATEUR ET LE COLON
LA LÉGISLATION FAVORISE LA COLONISATION
MARCHÉ DE LA COLONISATION
RICHESSE COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE
POPULATION CANADIENNE-FRANÇAISE DANS LES PROVINCES DE QUÉBEC ET D’ONTARIO
LES ACADIENS
POPULATION FRANÇAISE DU MANITOBA ET DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
AUX ÉTATS-UNIS. LES CANADIENS DE L’OUEST.
CANADIENS DANS LA NOUVELLE-ANGLETERRE
PATRIOTISME ET SENTIMENT NATIONAL DES CANADIENS
LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA
LA LITTÉRATURE CANADIENNE, LES HISTORIENS
ROMANCIERS ET POÈTES
MISSION PROVIDENTIELLE
TROISIÈME PARTIE AVENIR DE LA NATION CANADIENNE
DESTINÉE POLITIQUE ET SOCIALE
LA NATION CANADIENNE COMPTE ENCORE DANS LA PATRIE FRANÇAISE
CONCLUSION
DES RIVAUX AUX CANADIENS : LES LOYALISTES (1778-1791)
Si la révolution américaine eut pour les Canadiens d'heureuses conséquences, si elle leur fit accorder par l'Angleterre un traitement plus juste et une situation plus favorable, elle eut, d'autre part, cet effet funeste d'amener, sur leur propre sol, des voisins qui devaient fatalement devenir pour eux des rivaux et même des ennemis.
Jusqu'à la révolution d'Amérique, pas un Anglais ne s'était établi parmi eux. Seuls, quelques négociants avaient, à la suite des vainqueurs, envahi les villes, y avaient formé cette petite oligarchie arrogante que les gouverneurs militaires traitaient avec tant de mépris, et dans laquelle ils rougissaient d'avoir à choisir des fonctionnaires et des magistrats.
Les campagnes étaient demeurées entièrement aux Canadiens. Mais la révolution refoula sur leur territoire tous ceux des habitants de l'Amérique anglaise qui voulurent continuer à vivre sous le drapeau anglais plutôt que d'adopter celui de la nouvelle république.
Les « loyalistes » (c'est le nom qu'on donnait à ces sujets fidèles, presque tous des fonctionnaires ou des officiers) arrivaient en foule. On estimait leur nombre à 10,000 en 1783. Il fallut leur donner des terres.
On les établit sur plusieurs points encore inoccupés, les uns à l'extrémité de la presqu'île de Gaspé, d'autres sur le lac Champlain, d'autres enfin, et de beaucoup les plus nombreux, dans la grande presqu'île intérieure formée par les lacs Érié et Ontario.
Ce sont ces derniers qui ont créé là une grande province anglaise, nommée d'abord le Haut-Canada, à cause de sa situation en amont sur le fleuve Saint-Laurent et sur les lacs d'où il sort, province connue aujourd'hui sous le nom de province d'Ontario.
Les deux nationalités étaient désormais en présence sur deux territoires voisins. La lutte allait commencer entre elles. Jusque-là les Canadiens n'avaient eu affaire qu'au gouvernement et à l'administration anglaise. Ils allaient se trouver face à face avec la population et la race anglaise elle-même.
L'hostilité du gouvernement n'avait été ni bien terrible, ni bien prolongée. Le conflit de nationalité entre les peuples fut long, acharné, sanglant même.
C'est en vain que l'administration essaya de séparer les adversaires, de poser entre eux une sorte de barrière. Le conflit devait éclater un jour.
Dès 1783, le Haut-Canada reçut une organisation à part. Son territoire fut divisé en quatre départements qui, par une idée étrange, reçurent les noms allemands de Lunebourg, Mecklembourg, Hesse et Nassau.
Séparés ainsi territorialement et administrativement de leurs voisins, les Anglais le furent encore au point de vue judiciaire. Une ordonnance de 1787 les mit en dehors de la juridiction française, établie par l'acte de 1774 pour tout le pays*.
*(La loi en usage pour les Canadiens était la coutume de Paris. Un moment suspendue, elle leur fut rendue par l'acte de Québec en 1774.)
C'étaient là des mesures insuffisantes pour satisfaire une population que son loyalisme et son accroissement numérique lui-même rendaient exigeante.
Dès la fin du dix-huitième siècle, elle s'élevait à 30,000 âmes, et ce n'étaient plus seulement des concessions et des droits qu'elle réclamait, mais, comme race conquérante, des privilèges, des faveurs et la domination de la population française.
La situation des gouverneurs était assez délicate, obligés qu'ils étaient de favoriser ces sujets loyaux au point d'avoir abandonné leurs foyers pour demeurer fidèles à la couronne, et de ménager ces Canadiens dont la conduite venait de conserver à l'Angleterre une grande partie du continent.
Le gouvernement anglais sentait parfaitement que le concours de chacune de ces populations lui était également nécessaire, et dans l'impossibilité de les concilier, il essaya de les séparer tout à fait.
Le grand ministre, William Pitt, prit l'initiative d'un projet consistant à diviser le territoire canadien en deux provinces, ayant chacune son gouvernement et son administration distincts.
Le 4 mars 1791, il présentait ce plan à la Chambre des communes et en démontrait les avantages :
« La division en deux gouvernements, disait-il, mettra un terme à cette rivalité entre les émigrants anglais et les anciens habitants français, qui occasionne tant d'incertitude dans les lois et tant de dissensions.
J'espère qu'elle pourra se faire de façon à assurer à chaque peuple une grande majorité dans la partie du pays qu'il occupe, car il n'est pas possible de tirer une ligne de séparation parfaite. »
Le projet de Pitt comportait non seulement la séparation des provinces, mais, très libéral encore en ce point, il accordait à chacune d'elles ce gouvernement représentatif cher à tout citoyen anglais, en quelque partie du monde qu'il se trouve jeté par le destin.
C'était une faveur qu'il eût été difficile de refuser aux Anglais du Haut-Canada. Ces libres institutions, ne voyaient-ils pas les Américains, leurs concitoyens d'hier, en jouir ? Était-il juste que leur loyauté les privât de privilèges que leur eût assurés une conduite moins fidèle ?
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