Sabre et Scalpel

 

Le propriétaire d’un domaine se fait arnaquer par des criminels qui se font passer pour des hommes du monde.


Le but : séduire sa fille pour l’argent que cela pourra leur rapporter.


Y réussiront-ils ?


Voyez toutes ces aventures aussi surprenantes les unes que les autres, vous découvrirez comment la confiance en quelqu’un peut être trompée.

Sommaire



Introduction

Nos deux amis

Dans le cabaret

Le plan de Chagru

Rencontrer le docteur

La proposition de Gilles

Ernestine

Les femmes nous font un purgatoire anticipé

L’arrivée de Gilles Peyron

Gilles chez Petrini

Chez M. Duroquois

Venir saluer ces dames

Un intendant

Gilles malade

Le médecin doit revenir

L’état du malade empire

Giacomo parmi les intimes

Qu’en est-il du père Chagru ?

François

Le bal aura lieu dans quatre jours

La soirée

Enfin il arrive

Au feu !

Ernestine ami avec le père Chagru

Un nouveau venu

Qu’en pense-t-il ?

Une visite en l’absence de Maximus

Une invitation

Qui va gagner ?

La détonation d’une arme à feu

Qui est ce Landau ?

Révélation

Conspiration

Une demande

Une deuxième demande

Au milieu des montagnes

Cinq ans auparavant

Dans la caverne

L’enlèvement

Il faut agir !

Dans la grotte

Monsieur le magistrat

Les recherches

De l’aide pour les accuser

Giacomo se libère

Que fait Gustave Laurens ?

Conclusion

Épilogue



Dans le cabaret



Le soir où Gilles Peyron et Michel Chagru firent leur apparition dans le cabaret, la réunion était au grand complet.


La maison se divisait en deux chambres basses. Celle de droite, en entrant, était la bar proprement dite, servant aussi dans l’occasion de cuisine, de salle à dîner et de garni pour la nuit. Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus sale, de plus boueux et de plus enfumé.


La chambre de gauche offrait un caractère un peu différent. C’était le salon de l’établissement. Elle était meublée avec un certain luxe et contrastait agréablement avec la bar. C’était là que la mère Javotte recevait ses visites de cérémonie, ou les personnes qu’elle ne désirait pas mettre en contact avec la masse de ses pratiques ordinaires.


Un grand feu flambait dans l’âtre et éclairait la chambre de ces lueurs capricieuses et fantastiques qui font voir des diables sur les murailles, et qui font sommeiller les vieilles femmes à la veillée.


C’est dans cette chambre que la mère Javotte avait fait entrer Gilles Peyron et Michel Chagru. Après avoir changé leurs habits mouillés, nos deux amis vinrent de nouveau s’asseoir près du feu.


— Ouf ! ce linge sec fait du bien, dit Gilles. L’atmosphère est d’ailleurs plus tendre ici que dans votre chaloupe, père Chagru, et la mère Javotte fait les choses mieux que vous.


— Bon ! voici la carafe. En usez-vous ?


— Je n’ai jamais refusé une offre honnête, mon gars, et je suis trop vieux pour changer mes habitudes.


Il tendit son verre, et Gilles lui versa une copieuse rasade qu’il dégusta avec un claquement de langue particulier.


Tout en se réchauffant, ils trouvèrent moyen, parmi des éloges mérités à l’adresse de la mère Javotte, de se verser plusieurs autres verres qui firent peu à peu disparaître les différences. Ils devinrent plus communicatifs et se mirent à causer.


— Tout cela est bel et bon, commença Gilles, mais nous ne sommes pas venus ici pour dire des prières et autant vaut en avoir le cœur net de suite. Déboutonnez-vous, père, c’est le temps. Vous n’êtes pas venu me chercher chez moi pour rien, vous m’avez fait entrevoir une entreprise honnête. Il est vrai que notre petit naufrage peut en avoir modifié les circonstances. Mais le fond, père Chagru, voyons, je veux le fond. 


Le vieux marin alla inspecter la porte et l’unique fenêtre de la chambre, avec une attention minutieuse. Quand il fut convaincu que personne n’était aux écoutes, il revint s’asseoir près du feu.


— Mon gars, dit-il, à voix basse et après s’être versé un coup, ce que j’ai entrepris ce soir peut faire notre fortune, si nous réussissons, et te conduire à la potence dans le cas où nous échouerions.


À ce mot de potence, Gilles eut un frisson désagréable et fit une grimace forcée.


— Cependant, comme tu viens de le dire, continua Chagru, notre petit naufrage a modifié mes plans et je ne sais pas à présent jusqu’à quel point nous pourrons nous entendre. Voyons un peu, pour me confier à toi comme cela, sais-tu que je te connais bien peu ?


— Vous êtes curieux, père. Et si je ne disais rien ?


— Eh bien ! mais c’est ton affaire. Tout ce que je veux en savoir est seulement à cause de l’intérêt que je te porte. Prenons toujours un coup, cela ne peut pas faire de mal. 


Il versa une rasade terrible à Peyron, pendant que lui ne prenait qu’un petit doigt. Peyron se trouva considérablement allumé.


— Père Chagru, dit-il, je vous aime. Vous avez une bonne figure. Et tenez, puisque vous voulez savoir des nouvelles de ma jeunesse, je vais vous en donner.


— Je n’y tiens pas tant que cela, mon enfant. Après tout, si tu as honte, ne dis rien.


— Moi, honte ! honnête pilote ! Oh ! la bonne farce ! Gilles Peyron, avoir honte ! Y pensez-vous, un peu ? Vous allez voir plutôt.


— Vous n’êtes jamais allé au collège, vous, père ? Non ? Moi, j’y suis allé beaucoup et à beaucoup d’endroits. J’ai mangé du grec et du latin comme les autres. Seulement il fallait m’ouvrir les dents avec le manche de la cuiller, laquelle était un martinet. J’en ai bien eu pour six années entières et j’ai fait ma rhétorique seulement jusqu’aux trois quarts. Que voulez-vous, père, les grands auteurs ne me plaisaient pas.


Un peu de rhum, s’il vous plaît, la langue me sèche. Merci.


Toujours est-il qu’une fois, mon dernier professeur ayant soutenu, contrairement à mon opinion, que Démosthène valait mieux que Mirabeau, je lui jetai un dictionnaire grec par la tête et je n’attendis pas qu’on me mît à la porte. Je pris de suite la main que la liberté me tendait. J’avais vingt ans. Il fallait me trouver un état, me créer un avenir.


J’adorais Québec et je lui aurais sans doute fait honneur, mais... vous connaissez le proverbe ?


— Oui. Nul n’est prophète dans son pays. Il y a assez longtemps que je le pratique.


— C’est assez vrai, ce que vous dites là, et je l’appuierai d’une rasade. À votre santé, père Chagru ! 


Il emplit son verre et le vida d’un trait. Sa langue commençait à s’épaissir sensiblement. Il continua :


Me voilà donc, un beau jour, arrivé à New York, sans argent mais plein d’espérance et de grands desseins. Figurez-vous que dans ce temps-là j’étais fort joli garçon et je savais beaucoup de choses, compluria mente tenebam.


Je m’annonçai comme professeur de français. Les élèves arrivèrent par enchantement, et les dollars affluèrent dans une égale proportion. Je devins élégant, je fréquentai le monde et je me fis des amis. Quand on est riche, père Chagru, ce bétail-là ne manque pas. Donec eris felix... Vous ne comprenez pas ? Ça ne fait rien. Au bout de six mois je voyais intimement plusieurs bonnes familles de la ville, et les femmes raffolaient du Frenchman.


J’étais surtout très assidu chez un certain banquier juif allemand, riche comme Crésus et confiant comme un lapin, en dehors de ses affaires d’argent. Il avait une fille belle à croquer, mais bête comme une souche.


Je lui donnais des leçons de français. Vous voyez d’ici le danger.


Père Chagru, je me sens attendrir rien qu’à me rappeler ces douces émotions, les premières de ma jeunesse, dont le souvenir me caresse encore agréablement. Poussez donc la carafe. 


Les larmes le gagnaient et il regarda longtemps au fond de son verre, après avoir absorbé la dose de rhum. Puis il continua :


Elle s’appelait... au fait, comment s’appelait-elle, puisqu’elle a été ma femme ? N’importe, elle m’aimait. Il me semble vous avoir déjà dit que je n’étais pas mal tourné. Je faisais de l’argent, beaucoup, mais j’en dépensais plus encore.


D’ailleurs, mon état d’amoureux me fit oublier un peu celui de professeur. Je négligeai mes élèves qui, à leur tour, me négligèrent. Je commençais à sentir derrière moi l’haleine chaude de mes créanciers.


Heureusement que ma passion, bien conduite, voguait à pleines voiles vers un mariage assez joli et surtout vers un revenu solide. Cependant le père apprit, je ne sais trop comment, l’état de mes affaires. Il m’eût pardonné d’être voleur ou assassin, mais il ne pouvait pas me pardonner d’être prodigue ou pauvre.


Les situations difficiles enfantent le génie. Je résolus de frapper un grand coup, et je demandai la main de Clara. Son nom me revient maintenant. Père, encore une larme.. puisqu’elle s’appelait Clara Daft.


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