La femme en blanc Tome 2 / 2
La femme en blanc Tome 2 / 2
Sommaire
DEUXIÈME ÉPOQUE (SUITE) Récit continué par Frédérick Fairlie de Limmeridge-House
L’infirme raconte
Je dois me reposer un peu
Je dois gagner du temps
Le comte Fosco chez monsieur Fairlie
Je croyais qu’il partait
Récit continué par Elisa Michelson, femme de charge à Blackwater-Park
Un homme noble
Le médecin est appelé
Un différend entre le docteur et le comte
Une garde arrive
L’état de Miss Halcombe empire
M. Dawson quitte le château
Quelque malheur plane sur la famille
Vous ne la retrouverez pas, elle est partie
Il faut que je suive Marian
Je ne vous verrai plus
Elles n’ont jamais quitté la place
Incapable d’abandonner misss Halcombe
Écrite sous sa dictée
Relation du docteur
Relation de Jane Gould
Relation de la pierre funéraire
Relation de Walter Hartright
Deux femmes
TROISIÈME ÉPOQUE
Récit continué par Walter Hartright
Ce qui était arrivé à Marian
À l’asile
Lady Glyde arrive à Londres
Deux conclusions
S’installer à l’est de Londres
Demander l’avis de M. Kyrle
Chez l’avocat M. Kyrle
Au sortir de l’étude
Visite chez M. Dawson, médecin
Le récit de ma tentative désespérée
Chez mistress Clements
Passer en revue ce que je venais d’apprendre
De retour chez moi
Chez mistress Catherick
Vers Welmingham
Vers l’église du Vieux Welmingham
L’église du Vieux Welmingham
Avez-vous trouvé ce dont vous aviez besoin ?
Du côté de Knowlesbury
Des renseignements précieux
On me suit
Enfermé dans la sacristie
Tentative de sauvetage
On enquête
Quels étaient leur plan ?
L’enquête ajournée
Récit continué par Mrs Catherick
Récit continué par Walter Hartright
Elles avaient dû déménager
La vie continue
Une vacance ?
Consulter Marian
Mon ami Pesca
Quel est le rapport entre Pesca et le comte ?
Walter décide de tout tenter
Il se rend chez le comte Fosco
Le comte écrit ce qu’était le complot
Relation du comte
Ce que je voulais
Le seul côté faible de ma combinaison
Récit continué par Walter Hartright
Rétablir la vérité
Deux anneaux
Conclusion
Je croyais qu’il partait
Il se leva. Je crus qu’il partait. Point. Encore des paroles, encore un délai qui laissait place au développement des influences contagieuses. Et cela dans ma chambre. Ne l’oubliez pas, dans ma chambre !
— Un moment encore, dit-il, un seul moment avant que je prenne congé de vous. J’ai à vous demander la permission de vous faire admettre d’urgence une mesure à prendre immédiatement. La voici, monsieur ! Il ne faut pas attendre, pour recevoir lady Glyde, que miss Halcombe soit rétablie.
Miss Halcombe a l’assistance du médecin. Elle a, de plus, pour la soigner, la femme de charge de Blackwater-Park, et en outre une garde-malade expérimentée. Trois personnes dont je garantirais, sur ma vie, la capacité, le dévouement. Voilà ce que j’ai à vous dire. J’ajouterai que l’inquiétude, les craintes causées par la maladie de sa sœur, ont déjà porté atteinte à la santé physique et morale de lady Glyde, et l’on rendue totalement incapable d’être utile au chevet de la malade.
Chaque jour aggrave la tristesse et les périls de sa situation vis-à-vis de son mari. En la laissant plus longtemps à Blackwater-Park, vous ne hâteriez en rien le rétablissement de sa sœur, et vous risqueriez, cependant, de provoquer le scandale public que nous sommes obligés, vous et moi, et chacun de nous, d’éviter de notre mieux, dans l’intérêt sacré de la famille.
C’est donc de toute mon âme que je vous engagerai à ne pas prendre sur vous la sérieuse responsabilité du moindre retard, et à mander immédiatement lady Glyde auprès de vous. Faites ce qu’exige votre devoir d’affection, votre devoir d’honneur, votre inévitable devoir. Et quoiqu’il puisse arriver, personne n’aura le droit de vous en attribuer le blâme. Une expérience consommée me permet de vous offrir cet avis amical. L’acceptez-vous, oui ou non ?
Je levai les veux sur lui, une seconde seulement, émerveillé de son étonnante assurance, et songeant vaguement à sonner Louis pour le faire mettre à la porte. Ce sentiment et cette résolution devaient se lire sur tous les traits de mon visage. Eh bien ! ce qui est parfaitement incroyable, mais tout aussi vrai, c’est que l’expression de ma physionomie ne sembla pas produire sur lui le moindre effet. Cet homme n’a pas de nerfs. Bien évidemment, il n’en a pas.
— Vous hésitez ? me dit-il. Je comprends, monsieur Fairlie, cette hésitation. Votre idée (voyez à quel point mes sympathies me permettent de scruter les mouvements de votre âme). Votre idée est que lady Glyde ne saurait dans sa situation de corps et d’esprit, faire seule le long voyage du Hampshire ici.
Sa suivante favorite lui a été enlevée, comme vous savez. Il ne se trouve, à Blackwater-Park, aucun subalterne dont elle puisse se faire accompagner pour voyager d’un bout de l’Angleterre à l’autre. Votre idée est encore qu’elle ne pourrait, en venant ici, faire halte à Londres dans les conditions de confort et de repos qu’un hôtel public, ou elle serait absolument étrangère, ne lui offrira jamais.
Ces deux objections, je les accepte sans hésiter. Sans hésiter je les écarte. Pour la dernière fois, s’il vous plaît, daignez suivre mes paroles. Quand je suis rentré en Angleterre, avec sir Percival, j’avais l’intention de m’établir dans le voisinage de Londres. Cette combinaison vient heureusement de se réaliser. J’ai loué, pour six mois, une petite maison meublée, dans le quartier qu’on appelle Saint-John’s Wood.
Ayez l’obligeance de ne pas perdre de vue ce détail, et d’examiner en quoi consiste mon programme. Lady Glyde arrive à Londres (ce voyage compte à peine). Je vais moi-même la prendre à la station. Je l’emmène se reposer et coucher dans ma maison, qui est aussi la maison de sa tante. Quand elle est parfaitement remise, je la reconduis au chemin de fer. Une seconde étape l’amène ici, et sa soubrette favorite, que vous avez recueillie chez vous, se trouve pour la recevoir à la portière du carrosse.
J’espère que voilà des égards, pour le confort et des égards pour les convenances. J’espère que voilà votre devoir, devoir d’hospitalité, de sympathie, de protection pour une lady à qui ces trois choses sont nécessaires. Adouci, simplifié, rendu facile d’un bout à l’autre.
Je vous invite cordialement, monsieur, à seconder les efforts que je fais, dans les intérêts sacrés de la famille. Je vous conseille sérieusement de me confier une lettre par laquelle vous offrirez l’hospitalité de votre maison (et de votre cœur), plus l’hospitalité de ma maison (et de mon cœur) à la pauvre femme, si maltraitée, dont je plaide aujourd’hui la cause…
Il étendait vers moi son énorme patte. Il frappait sa poitrine d’où la fièvre pouvait s’exhaler. Il m’adressait de pompeuses périodes, comme si nous eussions été à la Chambre des communes. Il était grand temps d’en finir par quelque coup de désespoir. Il était aussi grand temps de mander Louis, et de faire prudemment des fumigations dans la chambre.
En cette circonstance critique, une idée vint s’offrir à moi, idée inappréciable qui, si l’on peut s’exprimer ainsi, mettait du même coup deux oiseaux par terre. Je résolus de me débarrasser et de l’ennuyeuse éloquence du comte, et des ennuyeux chagrins de lady Glyde, en octroyant la requête de cet odieux étranger, et en écrivant immédiatement la lettre qu’il sollicitait de moi.
Nul danger que l’invitation fût acceptée, car on ne pouvait admettre que Laura consentît jamais à quitter Blackwater-Park, tant que Marian y serait alitée et malade.
Il était impossible de comprendre comment cet obstacle, si opportun, si commode, avait pu échapper à l’officieuse pénétration du comte. Mais, au fait, il n’y avait pas songé. Ma crainte que la pensée ne lui en vînt, si je me laissais le temps d’y réfléchir, me stimula de telle façon que, par extraordinaire, je parvins à me remettre sur mon séant.
Je saisis, — saisir est le mot, — la plume et le papier que j’avais à ma portée, et la rédaction de la lettre coula de source, comme si j’eusse été le premier expéditionnaire venu :
« Très chère Laura, veuillez arriver dès que la fantaisie vous en prendra. Coupez le voyage en deux, en couchant à Londres, chez votre tante. Désolé d’apprendre la maladie de notre chère Marian. Votre bien affectionné pour jamais. »
À longueur de bras, je remis cette lettre au comte, je me laissai tomber dans mon fauteuil, et j’ajoutai :
— Veuillez m’excuser. Je suis dans un état de prostration complète. Il m’est impossible de faire maintenant quoi que ce soit. Voulez-vous aller vous reposer, et prendre quelque chose en bas ? Tendresses à tous, sympathies, tout ce que vous voudrez. Bonjour…
Il fit encore un discours, homme véritablement inépuisable. Je fermai les yeux. Je tâchai de l’écouter le moins possible. Encore me força-t-il d’en entendre une bonne partie. L’interminable époux de ma sœur me félicitait du résultat de notre entrevue. Il parla longtemps encore de ses sympathies et des miennes. Il s’apitoya sur ma misérable santé.
Il m’offrit une ordonnance écrite. Il insista sur la nécessité de ne point oublier ce qu’il m’avait dit à propos de l’influence des rayons lumineux. Il accepta mon obligeante invitation. Il me dit que je verrais arriver lady Glyde sous deux ou trois jours. Il sollicita de moi la permission de ne songer qu’à notre réunion future, au lieu de s’affliger et de m’affliger en me faisant ses adieux.
Il ajouta beaucoup de choses encore que (j’ai quelque plaisir à le dire) je sus alors me dispenser d’écouter, et dont je n’ai gardé naturellement aucun souvenir. J’entendais sa voix sympathique faiblir en s’éloignant de moi par degrés. Mais, si gros qu’il fût, je ne l’entendais pas, lui. Il avait le mérite négatif de ne faire absolument aucun bruit. Je ne sus pas distinguer le moment où il ouvrit la porte, ni celui où il la referma. Après un intervalle de silence, je me hasardai à ouvrir les yeux. Il était parti.
Je sonnai Louis, et me retirai dans ma chambre de bain. Un lavage à l’eau tiède fortifiée de vinaigre aromatique, et une copieuse fumigation, telles étaient bien évidemment les deux précautions à prendre. L’une pour moi, l’autre pour mon cabinet. J’y eus recours tout naturellement. Elles se trouvèrent suffisantes, je le dis avec une certaine satisfaction. Ma sieste habituelle ne fut pas troublée. Je m’éveillai, la peau moite, et parfaitement rafraîchi.
Mes premières questions furent pour le comte. Étions-nous réellement débarrassés de sa grosse personne ? Oui, le train du soir l’avait emporté. Avait-il pris son lunch, et de quoi se composait ce repas ? Exclusivement de tarte aux fruits et de crème. Quel homme, grand Dieu ! Quelles facultés digestives !
S’attend-on à ce que j’ajouterai quelque chose encore ? Je ne le crois pas. Je pense avoir atteint les limites qui m’étaient assignées. Les pénibles circonstances qui survinrent à une époque ultérieure ne sont pas, je leur en sais gré, à ma connaissance personnelle. Je prie et supplie que personne n’ait l’inhumanité de rejeter sur moi le moindre blâme, à raison de ces événements qui me sont demeurés étrangers.
J’ai tout fait pour le mieux. Je n’ai pas à répondre d’une calamité déplorable, qu’il était absolument impossible de prévoir. J’en suis tout à fait ébranlé. Plus que personne autre, c’est moi qui en ai souffert.
Louis, mon valet (qui, à sa façon stupide, m’est véritablement attaché), se tient pour certain que je ne m’en relèverai pas. Il me voit m’essuyer les yeux, en lui dictant ces lignes. Je me borne donc à mentionner, cette justice m’étant due, que tout cela n’est pas de ma faute, et que je suis absolument à bout de force et de courage. Qu’ai-je besoin de rien ajouter ?
Laura est bien mal en point et Marian, complètement déconnectée de la réalité.
Sir Percival et le comte Fosco manigancent des plans scabreux.
Voyez ce qu’il en est et si elles vont réussir à s’en sortir.
Voici maintenant la suite de ce roman raconté par les personnages eux-mêmes…
infirme, homme noble et médecin, château, manigance à l’église, soupçons et enquête, malheur plane, parc à Londres, La femme en blanc, Wilkie Collins, La dame en blanc, traduit de l’anglais, grey