Une si belle fille          Louise Alarie

 

Voici une histoire policière qui raconte comment deux sergents détectives de Montréal, arrivent à leur fin pour trouver l’assassin d’une religieuse qui œuvre à sortir les gamins de la rue. Ces deux policiers dévoués se retrouvent devant une énigme puisqu’ils n’ont aucune information concernant la vie de sœur Jeanne.


Ils doivent rechercher son identité depuis son enfance afin de comprendre quel était le motif de l’assassin.


La petite sœur traine dans les bas-fonds de la ville parmi les proxénètes, les prostitués, filles et garçons, les pervers et les sans abris.


Qui a bien pu lui en vouloir au point de la massacrer ? Quelle est la véritable raison d’un tel acharnement ? Pourquoi a-t-on tué le curé ? Quel lien avait-il avec elle ?


Toutes ces questions seront-elles résolues parce que les deux policiers s’y sont acharnés ?



Louise Alarie



OÙ ÉTAIT JEANNE EN DERNIER ?


Tous les couvents de Québec furent visités. Aucune institution ne semble avoir reçu la petite Jeanne pensionnaire entre l’âge de huit à dix-huit ans. Toutes ont été vérifiées et son nom n’apparait nulle part.


– Où était-elle ? demande Kean en se frottant la barbe.


– Si nous essayions la DPJ ? Ses parents s’en sont peut-être débarrassés.


– Retournons voir l’inspecteur-Chef. Nous avons besoin de lui pour entrer dans les documents de la DPJ.


C’est avec plaisir que Paul Girard leur rend ce service. Un sergent entre dans son bureau afin de lui remettre le document.


– Malheureusement, votre petite Jeanne ne s’est jamais retrouvée à la DPJ. Son nom n’apparait nulle part. C’est plutôt intriguant. Qu’est devenue cette enfant pendant dix ans ? Elle réapparait après toutes ces années, fraiche comme une rose, et ne dit rien à personne.


– Ses parents devaient savoir où elle était mais ils sont morts tous les deux, comment aller chercher la vérité ?


– Écoute, Max, il ne reste que l’espoir du carnet dans lequel elle a écrit son histoire.


– Je vais vérifier si par hasard, la dame l’a retrouvé.


C’est ce qu’il fait. Mais elle ne sait plus où il est.


Devant cet échec, les deux policiers reviennent vers Montréal. Sur la route du retour, Kean dit à Max :


– Madame Landry nous a dit qu’elle allait vivre chez son oncle à Montréal. Cherchons l’oncle !


– Peut-être est-il le frère de sa mère ? Nous devons chercher autant chez les Marin que chez les Beauchemin.


– Peut-être n’existe-t-il tout simplement pas ?


– C’est possible, mon vieux. Mais la piste d’une gamine de huit ans se retrouve et nous la retrouverons.


– Rien ne dit qu’elle était à Montréal, ses parents l’ont peut-être emmenée aux Indes et l’ont abandonnée là.


– Ne complique pas les choses davantage, toi ! C’est déjà assez mystérieux comme ça. N’en rajoute pas !


– Pourquoi sœur Jeanne a-t-elle été aussi discrète sur sa vie passée ? Le seul qui pourrait en savoir davantage ce serait son confesseur.


– Bonne chance, Kean, il refusera tout net de nous révéler son secret.


Entretemps, d’autres policiers enquêtent afin de savoir qui aurait vu sœur Jeanne pour la dernière fois et à quel endroit.


Le vieux bonhomme, qui avait parlé de vengeance lors de  l’enterrement, raconte que sœur Jeanne a eu du mal avec un jeune garçon qui se prostituait.


– Elle travaillait depuis un bon moment pour sortir le jeune de la rue. Il se drogue, le petit gars, et parfois, il est tellement saoul qu’il tombe. Je sais qu’elle était avec lui le dernier soir de sa vie. Je l’ai vu la repousser et lui hurler dessus. Mais, elle ne le lâchait pas. Elle a continué à lui parler. Puis le gamin s’est essuyé les yeux à un certain moment et elle l’a pris dans ses bras. Je n’ai rien manqué de la scène. Elle l’a laissé ensuite puis elle est partie d’un pas rapide. J’ignore où elle s’est rendue.


– Merci, Bill, pour ces informations. Si tu entends autre chose, n’hésite pas à nous le dire.


Entrons faire notre rapport, Max, ensuite nous irons interroger le gamin.


C’est ce qu’ils firent. Après avoir écrit les différents rapports, Kean, décide d’aller interroger le jeune. Comme il trainait à peu près toujours au même endroit, il lui a été facile de le retrouver.


L’enfant de quatorze ans se fait nommer, Suip.


En voyant arriver le détective, il fait mine de s’enfuir.


– Non, Suip, ne te sauve pas, je veux simplement te parler de sœur Jeanne.


– Elle est morte, sœur Jeanne, la vie continue. Je n’ai rien d’autre à dire.


– Je sais que tu as perdu ta seule amie, mais il est possible que tu puisses m’aider à trouver qui l’a vue en dernier.


– Hé, ce n’est pas moi ! Elle était vivante lorsqu’elle m’a quitté.


– Je sais tout ça et je ne t’accuse pas. T’a-t-elle dit où elle comptait se rendre lorsqu’elle t’a quitté ?


Le garçon hausse les épaules.


– Ne fais pas ça, Suip, dis-moi où elle se rendait après t’avoir parlé ?


– J’en sais rien, moi.


– Oui, tu le sais, et tu vas me le dire. Elle allait chez tes parents, n’est-ce pas ?


– Je lui ai dit de ne pas y aller, que mon vieux est abruti et que la vieille boit comme un trou.


– Dis-moi où ils habitent, tes parents ?


– À Outremont, sur Park Avenue.


– Donne-moi leur adresse complète, je veux les voir.


– Ils sont trop cons pour avoir tué la sœur.


– Je n’en doute pas, mais je veux leur parler.


Après avoir insisté, Kean finit par obtenir l’adresse complète. Il s’y rend immédiatement.


En frappant à la porte, il est surpris de voir l’aisance de ses parents. Il s’attendait à trouver un taudis. Une femme, relativement jeune lui ouvre.


– Je vous attendais, dit-elle. Oui, sœur Jeanne est venue le soir de sa mort, mais nous ne l’avons pas tuée.


– Je ne vous accuse en rien, Madame. Je suis le sergent détective Kean Butler. Puis-je entrer ?


– Bien sûr, entrez.


L’intérieur est propre et bien tenu. Les murs sont peints de ravissantes couleurs et des fleurs en pot sont logées sur différentes petites tablettes posées là pour elles. La femme, sans être riche, porte des vêtements seyants. Elle le fait asseoir et lui propose un café et une cigarette.


Il refuse l’une et prend l’autre. Tout en sirotant son café, il lui demande ce qui est arrivé à son fils.


– Mon fils est né de travers, si je peux m’exprimer ainsi. Il a toujours été rebelle dès sa naissance. Je l’aimais mais il refusait mon amour. Il avait toujours l’impression d’être rejeté, ce qui était faux de ma part. Dès l’âge de huit ans, il s’est tenu avec des gamins qui faisaient les quatre cents coups. Puis il s’est mis à se droguer. J’ai tenté de le faire désintoxiquer, il a toujours refusé.


– Parlez-moi de son père.


– Son père est une chiffe molle. Il ne m’a jamais soutenue lorsque je cherchais à aider mon fils. Il ne s’occupait pas de lui et le critiquait sans cesse. Brian voulait l’attention de son père mais ne l’avait jamais. Je crois qu’il l’a senti dès son plus jeune âge et c’est pourquoi il s’est révolté autant. Il n’a que quatorze ans, et il est perdu. Mon petit gars se prostitue, cela me tue.


– Et vous avez commencé à boire ?


– Oui, je bois. Je bois pour oublier l’échec que je vis avec mes proches.


– Que fait votre mari ?


...