Un drame familial                                            Louise Alarie

 

UN DRAME FAMILIAL


C’est la déplorable histoire d’une situation familiale où l’indifférence des parents, très égoïstes, refusent de s’occuper de leur gamine.


Pris par leurs tâches, inconscients de leur rôle parental, ils confient leur fille à une tierce personne en se donnant bonne conscience.


Leur adolescente, refuse de se voir ignorer de la sorte et décide de leur faire la vie dure.


Aucun enfant ne peut supporter l’indifférence de ceux qui l’ont mis au monde.


Les sergents détectives Kean Butler et sa partenaire temporaire, Cynthia Alix, éprouvent de grandes difficultés à remettre les divers éléments dans les bonnes cases. Ils s’y emploient avec compétence et détermination.


Ce drame familial est empreint d’émotions, d’indifférence, de trahisons, de rébellions, de mensonges et finalement de compréhension.



Louise Alarie



LES AMIS


France donne quelques noms à Cynthia.


– J’ai besoin de ceux que vous n’aimez pas trop, ceux qui pourraient être un peu délinquants sur les bords.


– Écoutez, sergent, Kira est une meneuse et ne se tient pas avec des petits caïds, elle n’a que quinze ans !


– Oui, je sais mais je cherche parmi ses connaissances un garçon plus vieux qui pourrait l’influencer ou à qui elle aurait envie de montrer qui elle est.


– C’est sûr que je ne suis pas toujours avec elle, elle va au Collège privé de Montréal, sur Sherbrooke, plusieurs d’entre eux se tiennent dans un café, près de Bleury. Après leurs cours, ils se ramassent tous là.


– Je sais de quel café vous parlez, merci France. Nous irons voir si nous pouvons trouver un peu plus d’informations. Quel est le nom de sa meilleure amie ?


– Justine De Banne. Elle est Belge et habite le Québec depuis cinq ans environ.


– A-t-elle un petit copain ?


– Elle est belle fille, c’est sûr que les jeunes gars tournent autour, mais aucun ne semble l’intéresser.


– Auriez-vous le numéro de téléphone de Justine ?


– Non, je sais seulement qu’elle et sa famille habitent sur Côte Sainte-Catherine.


– Ça ne fait rien, je trouverai, merci, France.


Il trouve dans l’annuaire rapidement le numéro des De Banne.


C’est une femme qui répond.


– Bonjour, je suis le sergent détective Kean Butler, puis-je parler à Justine ?


– La police ! s’exclame la dame, qu’est-ce qu’elle a fait, Justine ?


– Elle n’a rien fait du tout. Je veux juste un renseignement.


– Ah, bon ! Je vais vous la passer.


Justine prend l’appareil.


– Oui, je suis Justine.


– Bonjour, Justine, Kean Butler à l’appareil, je suis sergent détective et j’ai besoin d’une information. Puis-je vous rencontrer ?


– Heu… voulez-vous venir à la maison ? De quoi s’agit-il ?


– De votre amie, Kira. Je vous dirai ce qu’il en est en se voyant.


– Bon, d’accord, répond-elle, intriguée.


Cynthia et lui arrivent à la maison de Justine. Elle habite une belle grande maison faite de pierres grises. Le terrain, vaste en surplomb de la route qui monte vers l’ouest. À l’intérieur, le décor est harmonieux et les pièces sont immenses. Justine les reçoit dans le salon. Pour s’y rendre ils doivent quitter le hall.


Elle les fait asseoir sur des fauteuils en tissu harmonisé avec les couleurs sobres de ce salon éclairé par de nombreuses fenêtres. Des petites tables sont disposées ça et là et le plancher de bois est recouvert  d’une carpette colorée faite à la main, ici au pays.


– Asseyiez-vous, dit-elle. Prendriez-vous un café ou un thé ?


– Un café ! disent en cœur les deux policiers.


– Bien, je vais demander à Maria de nous en apporter.


C’est ce qu’elle fait. En se levant, Kean remarque la beauté de cette adolescente. Fille de riche, elle a un port de reine, ses cheveux, couleur miel, sont relevés et attachés par une grosse barrette en corne. Sa tête est droite et son corps est souple. Grande, pour son âge, même si elle porte des jeans, sa grâce naturelle ne s’en trouve pas diminuée. Son visage, très fin, recouvert d’une peau de pêche dans lequel deux yeux d’un bleu profonds s’inquiètent.


– Dites-moi ce qui se passe avec Kira. Elle n’est pas venue en cours ni hier, ni aujourd’hui.


...


– Connaissez-vous un homme ou un jeune homme dans son entourage qui aurait la voix douce et ferme ?


– La voix douce et ferme ? Vous demandez cela parce que c’est ce que vous avez entendu ?


– Oui, c’est ce que nous avons entendu, la voix du ravisseur était douce et ferme. C’est ce que France a entendu, elle était présente au moment de l’enlèvement.


– Vous ne m’avez pas répondu ; croyez-vous qu’elle a pu être maltraitée ?


– Nous ne le croyons pas mais nous n’en sommes pas sûrs. Alors, connaissez-vous un gars à la voix douce ?


– Oui, j’en connais un : mon père !


– Quel est l’âge de votre père, demande Kean sans se démonter.


– Il a quarante-huit ans.


– Ce n’est pas lui, l’homme qui l’a enlevé est très grand et jeune.


– Laissez-moi réfléchir. Grand et jeune...