François Le Moyne de Bienville

Un enlèvement raté, un scalp en vrai, la guerre de Phipps contre Québec, des scènes de la vie canadienne au XVIIe siècle lors du siège à Québec.


Tout cela n’est pas de la fiction, mais bien l’histoire, notre histoire.


Découvrez-la, vous apprécierez !

SOMMAIRE



INTRODUCTION

PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

PORTRAITS EN PIED DU VIEUX TEMPS

LE VIEUX QUÉBEC — LES AMIS

DENT-DE-LOUP

L'ESPION

AUX ARMES ! AUX ARMES !

LE TROPHÉE

ANGLAIS ET FRANÇAIS

MOUSQUETADE ET MOUSQUETS

CANONNADE ET BATAILLE

NUIT TERRIBLE

BOISDON S'AGITE ET DIEU LE MÈNE

FAITS ET CANCANS

LE DIEU DU MAL

LE COMBAT

LE BLESSÉ

LE VOEU

JOIE ET DEUIL

DEUX DOULEURS EN REGARD

CONCLUSION

ÉPILOGUE



Note à propos de la couverture : Frontenac repoussant l'offre de reddition de l'émissaire anglais : « La seule réponse que je ferai à votre général viendra de la bouche de mes canons et du feu de mes mousquets. »



NUIT TERRIBLE



Un peu avant l'heure où Bras-de-Fer faisait son apparition sur la plate-forme défendue par la batterie de Sainte-Hélène, Harthing, qui était attaché à l'expédition de terre, se présentait devant le major Whalley, son commandant.


Ce dernier avait établi son camp à peu près à un mille en deçà de l'endroit où ses troupes étaient débarquées, et à un demi-mille au nord de la rivière Saint-Charles. Afin de pouvoir surveiller les mouvements de la flotte et d'assurer au besoin sa retraite, le major avait fait placer, durant la nuit, un tiers de ses troupes au lieu même du débarquement. Son quartier général occupait une ferme, où les soldats purent se mettre à l'abri dans les quelques bâtiments qui s'y trouvaient.


Lorsque John Harthing parut devant son chef, celui-ci, installé dans la meilleure pièce de la ferme, causait avec quelques officiers. Voyant que son lieutenant désirait lui parler et qu'il restait à l'écart, Whalley le rejoignit, et l'entraînant à quelques pas du groupe d'officiers qui composaient son état-major :


— Eh bien ! monsieur Harthing, avez-vous des renseignements à me donner, lui demanda-t-il ?


— Non, monsieur, répondit l'autre. Mais si vous voulez me donner congé ce soir, peut-être réussirai-je mieux aujourd'hui que Dent-de-Loup hier.


On se souvient que le lieutenant avait fait tolérer la présence du sauvage sur la flotte, sous prétexte que ce fidèle allié offrait à s'introduire dans la ville pour y découvrir un endroit faible par où l'on pourrait y pénétrer par surprise.


Aussi lui avait-il d'abord été facile de rendre plausibles aux yeux de ses chefs, la première reconnaissance de Dent-de-Loup et l'expédition de la veille, où celui-ci avait donné à Boisdon la lettre remise par ce dernier à Louis d'Orsy.


Mais, comme on peut bien le croire, ces démarches n'ayant pas beaucoup profité à l'utilité générale des assiégeants, vu que Harting ne donnait sur ces deux tentatives que des réponses évasives, les chefs de l'expédition retirèrent aussitôt leur confiance à ces vaines sorties nocturnes. Aussi Whalley répondit-il froidement à son lieutenant :


— D'après le résultat de vos premières tentatives, il est difficile, monsieur, d'augurer mieux d'une nouvelle. Cependant je veux bien vous laisser libre de faire un dernier effort. Mais si la réussite ne vient pas cette fois à votre aide, il me faudra vous empêcher d'exposer inutilement votre vie.


— Aussi est-ce bien mon intention, monsieur, de vous demander congé seulement pour ce soir. Mais, vous plairait-il de me donner le mot de passe, afin de ne pas être retardé par nos sentinelles ?


— Le mot d'ordre est : « Prenez garde, »  dit Whalley qui regarda froidement Harthing.


Celui-ci ne put supporter ce coup d'œil inquisiteur, et après avoir salué profondément, il sortit.


À peine eut-il franchi le seuil et refermé la porte de l'habitation, qu'un homme surgit devant lui : c'était Dent-de-Loup.


Le lieutenant s'attendait à cette apparition, car il dit au sauvage :


— C'est bien ! Suis-moi.


L'autre, qui portait un petit baril sous son bras gauche, emboîta le pas derrière Harthing.


Ils marchèrent ainsi pendant un quart d'heure, sans rien dire autre chose qu'une courte réponse au qui-vive des sentinelles. Lorsqu'ils eurent laissé derrière eux le dernier factionnaire, placé en enfant perdu à quelque distance du camp, Dent-de-Loup prit le premier la parole.


— Mon frère pâle ne se souvient plus, dit-il à Harthing, que nous avons fumé tous deux le calumet du conseil dans son ouigouam du grand village des blancs. (À Boston)


— Et pourquoi ne m'en souviendrais-je pas ?


— Parce qu'il semble au chef qu'il est plutôt l'esclave que l'allié de son frère au visage pâle.


Harthing se mordit les lèvres. Bien que ce fût la première fois que Dent-de-Loup se plaignît du rôle passif que son allié lui avait fait jouer jusqu'alors, il importait beaucoup aux projets du lieutenant que le chef ne se révoltât point au moment où l'Anglais croyait prévoir le succès de ses intrigues. Aussi, maîtrisant l'inquiétude que la brusque sortie de l'Agnier suscitait en lui, répliqua-t-il d'une voix calme :


— Mon frère croit-il, par hasard, que je veuille le tromper ?


Le Chat-Rusé ne répondit pas.


— Alors, fit Harthing en s'arrêtant, le chef est libre d'abandonner un ami, s'il est le jouet d'un tel soupçon.


— Les hommes blancs sont prompts comme la balle de leurs mousquets, dit le sauvage. Non, le désir du chef n'est pas de trahir un frère avec lequel il a fumé le calumet du conseil. Mais il voudrait bien savoir s'il pourra travailler bientôt à l'accomplissement de ses propres projets. Ce dont son frère blanc a su le détourner jusqu'à ce jour.


Harthing, craignant de se fermer tout accès dans la ville, avait en effet défendu jusqu'alors à Dent-de-Loup de donner cours à ses idées de vengeance.


— Si j’ai, jusqu'à présent, agi de la sorte, répondit Harthing refoulant en lui toute la mauvaise humeur que lui causaient les plaintes trop justes de l'Iroquois, c'est que j'ai voulu rendre plus sûre la vengeance que nous désirons exercer tous deux sur nos ennemis.


— Le pauvre homme des bois ne saurait comprendre ces belles paroles.


— Eh bien ! que mon frère écoute et il se convaincra de ma sincérité à son égard. N'est-ce pas bien commencer à se venger des Français que d'enlever la jeune fille pâle ? N'y a-t-il pas deux hommes qui pleureront des larmes de sang lorsque la jeune fille aura disparu ? Sans compter qu'elle-même...


Dent-de-Loup sembla convenir tacitement de cette assertion. Car il se rapprocha du lieutenant et parut attendre avec le plus vif intérêt ce que celui-ci allait ajouter.


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