MUTANTS CHAINES GUIDES
MUTANTS CHAINES GUIDES
Est-t-il possible, d'après vous, de cacher le génie de quelqu'un ? Quels moyens peut-on utiliser pour l'enterrer complètement ? Quelqu'un peut-il se libérer d'autant de chaines ? Voyez comment Rom, Clarisse et Blaise s'en sont sortis, même avec les liens si intimement tissés.
Sommaire
Préface
La venue de Rom
L'arrivée du nouveau-né
La famille
Le Consultant
La fuite
La vie à la montagne
Si on fabriquait des selles ?
Des moments de bonheur
L'Oncle
À l'atelier
Sa soeur obtient un travail à la ville
Une surprise malgré tout
Chez l'Oncle
Ses poèmes
Un drame
Son père furieux
L'héritage de l'Oncle
Le génie le quitte
Tout est oublié
Pour ses quinze ans
Son propre atelier
Oups !
L'accident
L'avalanche
Les recherches
Le troisième jour
Les blessés à la ville
Première sortie
Le livre du petit montagnard
Le médecin
Le retour au village
L'accueil
Une selle pour le docteur
La fête à Noémie
La jambe de bois
La lettre de Clarisse
La première fois
Marcher avec cette jambe
Souvenirs et vérités
Les dix-neuf ans de Rom
Un après-fête douloureux
Blaise veut sauver son ami
Les études de Blaise
La veille du nouvel an à la ville
L'idée du mariage
L'enfer de Rom
En attente du procès
Le jugement
Le procès
La vie à la ville
La Maison des études existe ?
Visite à l'hôpital
Les confidences
Rom prend du mieux
La sortie
Chez Blaise
Rom, un homme de coeur
Permission de sortir de l'asile ?
Un café avec Ruth
Habiter chez le docteur
Mayda raconte
Ruth, la femme pour lui ?
L'invitation de Ruth
La croisière
Les deux couples
Sauvé par Henri
Charlotte
Nouvel état de conscience
Expérience avec un enfant
Un peu de magasinage
La nouvelle robe de Clarisse
Souper entre amis
Que le spectacle commence
Des réponses
Les projets d'étude de Blaise
Ce qu'en pense Rom
Blaise veut comprendre
Rom et Clarisse
Leur sortie est découverte
Conclusion
Épilogue
Du même auteur
Mot de la fin
Note à propos de la couverture : L’image des chaines est de Zoom61
L’arrivée du nouveau-né
Dans la maison de Mayda et de Godefroy on fêtait la venue du premier enfant mâle de la famille. Une fille était née deux ans auparavant. Suffisamment consciente de l’évènement, elle se joignit à la joie et la partagea avec ses parents.
– Regarde comme il est beau, dit la mère, en souriant à ce petit être qui prenait brusquement contact avec cette nouvelle vie physique. Nous lui donnerons le nom de Rom. Il me plaît ce nom, je ne sais pas pourquoi mais je trouve cela joli.
Pour l’instant, il n’avait pas envie de sourire à sa mère. Son premier contact avec ce corps si petit, trop petit même, le désespérait. Tout était si minuscule, si fragile qu’il n’osait à peine le bouger. Il essaya les doigts, mais ne parvenait pas à faire autre chose que de les ouvrir tous ensemble et de les refermer. Il risqua un oeil sur ce qui l’empêchait de les détacher les uns des autres, et les apercevant si minuscules, il comprit pourquoi.
Un profond chagrin s’empara de lui et il se mit alors à pleurer. Le son étrange de ces pleurs l’étourdit. Il pleura, s’arrêta pour comprendre puis recommença de plus belle.
Des mains le prirent pour le soulever malgré son vertige de ne plus sentir le solide sous lui. Ses pleurs de désespoir s’éteignirent lorsqu’il perçut quelque chose de chaud et de vivant le conserver.
Impuissant et désorienté d’habiter dans une si petite chose, il se laissa gagner par la chaleur, le mouvement respiratoire et les battements du coeur de sa mère.
Sans trop savoir qui elle était, il se rendit vite compte qu’il la connaissait d’une étrange façon et qu’il pouvait lui faire confiance.
Bien au chaud, il laissa dormir ce petit corps et en fit une exploration un peu plus détaillée. C’était petit mais bien fait et malgré sa faiblesse apparente, il comprit que ce corps se tenait ensemble et qu’il ne le laisserait pas s’échapper. Peu à peu, il a résolu de le considérer comme étant à lui et accepta de se voir comme le principal habitant.
Il eut un certain désagrément lors de son exploration de rencontrer une « sorte de volonté » qui semblait habiter là depuis plus longtemps que lui. Il la trouva de fort mauvaise humeur d’avoir à partager un lieu si exigu. Mais très vite, il se rendit compte que cette « sorte de volonté » n’en était pas réellement une.
C’était plutôt une matrice vivante, intégré à ce corps. « Elle » se limitait à enregistrer les réactions des cellules. Il put comprendre « qu’elle » avait déjà perçue son arrivée ainsi que la perturbation qu’il avait causé au précieux petit organisme vivant.
Il l’observa pendant un long moment et s’aperçut « qu’elle » n’était pas bien maligne et qu’il pouvait, tout compte fait, s’installer en toute sécurité à l’intérieur de ce petit habitacle. Il monta jusqu’au sommet de la tête, décida que ce serait le meilleur endroit pour habiter et attendit la suite des évènements.
Puisque le corps dormait toujours, il prit contact avec celle qui le tenait dans ses bras. Cette douce chaleur et les mouvements rythmiques de son corps le faisait se sentir bien. Il se détendit en observant qu’elle le tenait convenablement et qu’il n’y avait aucun danger. Il décida donc de rester.
À ce même moment, la mère le serra davantage contre elle et lui murmura des choses douces. Il ne comprit pas un mot, ne connaissant pas ce langage, mais il en conclut qu’elle était heureuse.
La famille
Chacun des jours suivants fut moins réjouissant. Il y avait des mauvais côtés à cette histoire. Sa soeur voulut le prendre, et horreur, sa mère la laissa faire. Pour ne pas l’échapper, elle dut le tenir si serré qu’il en fût suffoqué.
Il prenait soin de ce petit corps et n’entendait pas qu’on le lui abîme, soit en le serrant trop fort ou en le gelant.
À part l’épreuve de sa soeur qui le fit hurler, il y eut également l’épreuve du bain où sa mère le dénuda complètement pour l’exposer au froid glacial de la pièce. Là aussi, il le manifesta.
La troisième calamité fut quand son père le leva brusquement pour le montrer aux amis et qu’il a failli rendre l’âme. Il se retrouva momentanément à l’extérieur de sa cage.
Cela lui donna un tel choc qu’il décida de ne plus jamais se laisser prendre au dépourvu. C’est précisément ce jour-là qu’il décida de ne plus quitter son corps. Il arrêta net les promenades à l’extérieur et s’en tint exclusivement à la garde interne.
La seule personne qu’il apprit à aimer était sa mère. Elle était la seule à le respecter vraiment. Elle le nourrissait d’un sein chaud et regorgeant de lait succulent. Elle lui parlait toujours doucement et lui souriait sans cesse.
Son père était définitivement exclu parce qu’il savait que sa mère lui vouait une haine impitoyable. Cela était plus difficile à comprendre parce qu’il la voyait lui sourire et lui parler gentiment, mais il était convaincu qu’elle le haïssait.
Il développa un truc génial pour se protéger des affections de sa soeur. Chaque fois qu’elle venait, il se mettait à hurler jusqu’à ce que sa mère vienne. Elle prenait toujours pour lui. Il abusa de cette habitude perverse et en reçut les effets très peu de temps après.
Sa soeur, bien intentionnée au début, comprit vite les manigances de son frère et les lui fit payer. Elle entrait dans sa chambre et secouait son lit au moment où il dormait ou bien elle lui mettait la main sur le nez et la bouche pour qu’il ne crie pas ou bien lui allongeait une claque pour le surprendre.
Cette petite guerre dura de longues semaines : lui, hurlant à sa vue, elle, le tabassant à la moindre occasion. Il attirait sa mère à chaque fois et se faisait consoler mais la vie devenait un peu trop risquée à son goût.
Puisqu’il tenait à son corps et qu’à l’âge de deux mois, il ne se souvenait plus de ses débuts, il changea de tactique avec sa soeur.
Un jour, elle entra en le croyant endormi, il tourna la tête vers elle et lui sourit.
– Maman ! cria-t-elle, folle de joie, il m’a souri !