Le Feu Follet
Sommaire
Introduction
L’entrevue du capitaine
Une rencontre désirée
Qu’en est-il de cet Anglais ?
Au cabaret de Benedetta
Vaisseau ami ou ennemi ?
On se prépare
Tenter de communiquer
Pour vous rendre service !
Revenir à l’île d’Elbe
Un vrai lieutenant britannique
Comment on sort d’une salle à manger
Un stratagème adroit
Ruse déjouée ?
Où se réfugier ?
Une soirée à bord
Un autre écumeur de mer ?
L’amiral Nelson
Rencontrer son grand-père condamné
Pendu pour haute trahison
Le corsaire à bord du vaisseau ennemi
Que fait-on de ces prisonniers ?
L’audience
On continue l’interrogatoire
Ordre de sentence approuvée
Le rapport du marin
Éviter la pendaison ?
En attente de l’heure fatidique
De justesse
S’évader
Un asile inespéré
La fierté d’un roi
D’autres incidents
Comment s’en sortir ?
Sauve mon Feu Follet !
Attaque et tempête
Conclusion
Introduction
...
La société de la petite capitale ne se divisait donc qu'en deux classes, les commerçants et les ouvriers. Les jeunes filles les plus distinguées du pays, celles que le lieutenant du gouverneur daignait admettre dans son salon, ne l'emportaient sur la masse du beau sexe que parce qu'elles avaient appris à lire et qu'elles étaient allées de temps en temps à Livourne.
Si Ghita les dominait, c'était uniquement grâce à ses qualités personnelles. On ne connaissait ni son origine ni même son nom de famille. Elle avait débarqué six semaines auparavant, et elle avait été laissée, par un homme qui passait pour son père, en pension à l'auberge de Cristoforo Dorri.
Elle avait voyagé, elle montrait beaucoup de bon sens et de résolution. Elle avait une conduite irréprochable, une excellente tenue, un extérieur gracieux, et une figure qui sans être belle était séduisante au plus haut degré.
On n'avait pas songé à lui demander comment s'appelaient ses parents, le nom de Ghita avait suffi. Tout le monde le connaissait, et, quoiqu’il fût porté par trois ou quatre autres jeunes filles de Porto-Ferrajo, la jeune étrangère avait été proclamée unanimement la Ghita une semaine après son arrivée
Ghita avait été amenée par une felouque qui venait, disait-on, des États napolitains. C'était probablement la seule personne de son sexe, dans la ville de Porto-Ferrajo, à laquelle il eût été donné de contempler le Vésuve et d'admirer les merveilles d'une partie de l’Italie, dont la réputation rivalise avec celle des États romains.
Elle était seule capable en conséquence, vu l’expérience qu'elle avait pu acquérir dans ses voyages, de donner des éclaircissements sur le lougre inconnu. Et la confiance qu'on avait dans son savoir avait attiré autour d'elle une clientèle assez nombreuse.
Mais tandis que les camarades du vieux Tonti se tenaient sur la réserve, les jeunes filles interrogeaient avec volubilité celle qui jouait parmi elles le rôle d’oracle. Elles l'auraient écoutée volontiers. Mais comme elle ne parlait pas, elles charmaient les ennuis de l'attente en prêtant l'oreille aux sons de leurs propres voix. Les questions, les interjections, les suppositions, les objections se succédaient rapidement.
— Ce bâtiment apporte des dépêches de Livourne, disait une des jeunes filles. Peut-être même que Son Excellence est à bord.
— Y songez-vous, répondait une autre, Livourne est au nord-est, non pas à l’ouest !
— J'y suis, s'écria Giulia. Ce lougre emporte une cargaison de prêtres qui se rend de la Corse à Rome.
— Ce n'est pas possible, dit la fille d'un homme du port, ce navire est évidemment supérieur à ceux qui se montrent habituellement sur nos côtes, et les prêtres ne sont pas en assez grande faveur en France pour qu'on mette un bâtiment de cette importance à leur disposition.
— Qui sait ? dit Maria. Est-ce un véritable bâtiment ? Il arrive souvent que les apparences nous abusent, et ce qui sort des règles ordinaires est quelquefois le produit d'une illusion ?
— Allons donc ! repartit Annina, dans ce cas ce serait un miracle. Et pourquoi verrait-on des miracles maintenant que Pâques et la plupart des grandes fêtes sont passés ? Je crois que c’est un véritable vaisseau.
Les autres jeunes filles se mirent à rire. Et quand on eut suffisamment discuté sur ce sujet, il fut admis d'un commun accord que le lougre était certainement un bâtiment d'une espèce déterminée, mais peu connue dans ces parages, car il n'avait aucune analogie avec les felouques ou les bombardes.
Pendant ce temps, Ghita demeurait pensive et silencieuse. Elle avait la même taciturnité que Tommaso Tonti, mais par des motifs différents. Malgré le bavardage de ses compagnes et les interpellations qui lui avaient été adressées, elle n'avait pas quitté des yeux le lougre, auquel on aurait dit qu'elle était attachée par une sorte de fascination.
Si les assistants avaient eu toujours assez de liberté d'esprit pour étudier la physionomie de la jeune fille, on y aurait la tour à tour des sentiments de plaisir, d'inquiétude et même d'anxiété.
Les couleurs de son teint augmentaient et disparaissaient successivement, et lorsque le lougre, après avoir lofé, fit son abattée, comme un dauphin qui joue sur les flots, le rayon de plaisir dont les yeux de Ghita furent brusquement illuminés, communiqua à tous ses traits une beauté parfaite et extraordinaire.
Mais ces impressions passagères n’étaient point remarquées par l'essaim de jeunes femmes qui se pressaient autour d'elle. Quoiqu'elle se fût isolée de la foule, elle était cependant à peu de distance du groupe qui attendait respectueusement la sentence du vieux pilote. Mais celui-ci ne se montra disposé à s’expliquer que lorsqu'il eut été questionné par le signor Vito-Viti podestat de Porto-Ferrajo.
Ce vénérable magistrat gravit rapidement la côte, et s'arrêta sur le plateau en respirant avec peine, comme une baleine qui s'élève à la surface des flots pour prendre un peu d'air. Il examina pendant quelque temps le bâtiment étranger, et croyant que ses fonctions lui donnaient le droit de choisir son interlocuteur, il apostropha le vieux pilote :
— Eh bien, lui dit-il, mon bon Tommaso, que penses-tu de cet inconnu ?
— Signor, c'est un lougre, répondit le marin avec assurance,
— Sans doute, reprit le podestat. Mais il y a des lougres qui sont en même temps des felouques, des polacres ou des bombardes. Dans quelle catégorie ranges-tu le navire que nous avons vu ?
— Signor podestat, les distinctions que vous établissez ne sont pas admises dans le port. Une bombarde est une bombarde, une polacre est une polacre, un lougre est un lougre. En conséquence, je déclare que le navire ou question appartient exclusivement à l'espèce des lougres.
Tonti s'exprimait d’un ton d'autorité, car il était sûr de ce qu’il avançait, et il était charmé de trouver l'occasion de prouver publiquement qu’il s'y connaissait mieux qu'un magistrat. Le podestat tenait à démontrer qu’il était expert en toutes matières, et que sa nomenclature maritime était irréprochable.
— Allons, répliqua-t-il d'un ton protecteur et avec un sourire affable, il ne s'agit point d’une affaire qui puisse être portée devant les hautes cours de Florence. Je ne veux donc point le chicaner sur tes expressions, et j'admets volontiers avec toi qu'un lougre est un lougre.
— En cela, signor, vous rendez hommage à la vérité.
— Tu soutiens donc que ce bâtiment étranger est un lougre, et tu es prêt à l’affirmer par serment.
— Oui, répondit Tonti après un moment de réflexion.
— Peux-tu dire d'où il vient ? Est-il algérien, turc ou français ?
— Je ne saurais le dire, répondit le vieux pilote, et je vous prie de m’accorder un moment de loisir pour me mettre à même de vous donner une opinion consciencieuse.
Aucune objection ne s'éleva contre une proposition aussi raisonnable, et le podestat laissant au pilote le temps de se décider se tourna du côté de Ghita, qu'il avait vue parfois chez sa nièce, et de l'intelligence de laquelle il avait une opinion favorable.
— L'honnête Tommaso est passablement embarrassé, dit-il avec un air de commisération. Il voudrait nous persuader que le bâtiment étranger est un lougre, et il ne peut deviner à quelle nation ce lougre appartient.
— Quant à sa nature, il ne s'est pas trompé, signor, répondit la jeune fille en respirant avec effort, comme si le son de sa propre voix lui eut procuré une espèce de soulagement.
— Quoi ! s’écria le podestat, as-tu la prétention de te connaître assez en vaisseaux pour en distinguer l'espèce à la distance d’une lieue ?
— Je ne crois pas qu'il y ait une lieue, signor, et quoique la brise soit faible, la distance diminue rapidement. Il serait aussi difficile d'ailleurs de confondre un lougre avec une felouque, qu'une maison avec une église, ou un révérend père avec un matelot.
— C’est ce que j'aurais dit moi-même au vieux Tonti, s'il avait été disposé à m'écouter. Rien de plus aisé que de s'apercevoir que l'étranger est un lougre. Mais je suis encore indécis sur sa nationalité.
— Vous ne la connaîtrez, signor, que lorsque le navire hissera son pavillon.
— Par saint Antoine, tu as raison, mon enfant, et il est convenable qu'il nous montre ses couleurs. Personne n'a le droit d’approcher aussi près du port de Son Altesse Impériale et Royale, sans prouver en arborant son drapeau, qu'il appartient à un peuple allié et qu'il a des intentions honnêtes. Mes amis, les canons de la batterie sont-ils chargés comme de coutume ?
La réponse fut affirmative. Les notabilités éparses dans les groupes se réunirent pour tenir conseil. Le podestat se dirigea d'un air d’importance vers l'hôtel du gouverneur, et cinq minutes après, on vit des soldats pointer une pièce de douze dans la direction de l’étranger.
La plupart des femmes s'éloignèrent en se bouchant les oreilles mais Ghita ne manifesta aucune crainte. Quoique son visage fut pâle ses regards étaient assurés, et elle observait tout ce qui se faisait !
Quand il lui fut démontré que les artilleurs allaient mettre le feu au canon, elle s'écria avec inquiétude :
— Est-ce qu'ils vont tirer sur le lougre, signor podestat ? Il n’est nullement nécessaire de recourir à cette extrémité pour le forcer à hisser son pavillon. Ce n'est pas ainsi qu'on agit dans le sud de l'Italie.
— Vous ne connaissez pas nos bombardiers toscans, signorina, reprit le magistrat en faisant un geste de triomphe. L’Europe doit s’estimer heureuse que notre duché ait peu d'étendue, car nos soldats pourraient causer plus de ravages que les Français eux-mêmes.
...
Le Feu Follet
Français contre Anglais
Savoir ce qui se passe des deux côtés des belligérants vers 1830.
Les personnages et leurs plans de bataille. Tout n’est pas toujours blanc ou noir, comme des Français ou des Anglais.
Voyez les ruses employées pour en arriver à leur fin, et même pour attiser l’amour.
Ils ont beaucoup d’imagination, c’est le moins qu’on puisse dire.
À vous de découvrir cette belle histoire composée de tant d’aventures !
Avec un formatage aéré, comme toujours.