PÉRIL pour la famille
Qui sont les personnages qui entourent habituellement les artistes ?
Croyez-vous qu'ils travaillent pour eux ? Pour leur mieux-être ?
Suivez les aventures et les amours de deux amis, quasi inséparables, parmi toute cette haute société des environs de Paris.
Sommaire
Prologue
Introduction
Mlle Solvi
Mme Heurtey
Sa vie en « province »
L'attente
Trop aimer son fils
Voilà qu’il arrive
Accord rompu
Le réveil
Qui arrive ?
Mélétis
Se retremper dans le sein de la famille
Discussion entre amis
Visite à Mlle Solvi
L’entretien
Les invités arrivent
Besoin d’être consolé
Raffaëlle
Se faire épouser
Se rendre à son atelier
Changer d’atelier ?
Entre deux trains
Aménagement du nouvel atelier
Interroger Niko
Proposition
André va chercher sa mère
À l’exposition du Cercle
L’arrivée de Raffaëlle
Un malheur ?
M. Mélétis revient
C’est la lutte
Visite à sa mère
Un endroit où l'on puisse respirer ?
André consigné
Trois mois
Partir en Bretagne ?
M. Mélétis et sa soeur
Sur la grève de Brévalo
Leur rencontre
André a besoin d’argent
Une ballade en voiture ?
Ce qui peut envahir le coeur de l’homme
Au promontoire de Douarnic
Une rencontre inattendue
Mélétis à Éliette
À l’intérieur
André dans un état singulier
Il faut peindre cela
André est fauché
Il se rend chez sa mère
Le grand tableau fait des progrès
Je m’en vais
Pourquoi veut-elle m’épouser ?
Raffaëlle revient
Niko revient aider son ami
Un riche mariage ?
Le vernissage
À l’atelier de son fils
Le tableau fait scandale
Nous voici, chère madame
Déshonoré !
Maman paiera les dettes
Chez Raffaëlle
Il faut quitter Paris
Nous partons
Une lettre à sa soeur
Raffaëlle de fâcheuse humeur
Portraits au manoir de Vendée
Les nouvelles
Mais quel mariage ?
Apprendre des choses
Il faut que j’en aie le coeur net
André accepte le mariage
Aller voir son tableau
L’explication houleuse
Ramener le corps d’André à sa mère
À Gruchy
Il n’est visible nulle part
Une grotte
Mélétis à la rescousse
André raconte sa terrible journée
Le combat naval
Elle y est aussi
André se remet à la peinture
Niko et Éliette
Conclusion
L’attente
Depuis cinq ans elle habitait l'appartement loué au début, quoique son fils eût réussi à se faire connaître. Peinture brillante, pas assez sérieuse, disaient les vrais maîtres, ceux qui ne sacrifient rien au désir de s'enrichir vite.
Le public, moins difficile, avait accepté d'emblée cette couleur soyeuse, cette composition habile, ce charme d'expression, sans se préoccuper des qualités plus sévères de dessin et de modelé. Déjà, André Heurtey avait des commandes de portraits, et sans atteindre les prix fabuleux des peintres à la mode, il les faisait payer passablement cher, assez cher pour que sa mère en fût éblouie et presque effrayée.
Malgré le châle dont ses épaules étaient couvertes, Mme Heurtey frissonna à plusieurs reprises, coup sur coup, avec un malaisé qui allait jusqu'à la souffrance. Le feu était complètement mort. Une petite bise aigre soufflait par les joints de la fenêtre et sous les portes, en dépit des bourrelets. La pendule allait sonner deux heures... André ne rentrait pas. Qu'était-il arrivé ?
Jamais, depuis le jour où pour la première fois elle avait vu son fils couché dans son berceau, Mme Heurtey ne s'était endormie sans l'avoir embrassé. Qu'il allât dans le monde ou qu'il passât la soirée avec ses camarades, André s'était toujours fait un devoir de rentrer assez tôt pour que sa mère ne fût pas inquiète.
Deux ou trois fois seulement, à l'occasion d'une première représentation, terminée à une heure très avancée, il avait dépassé la limite ordinaire.
Mais, ce soir, il n'y avait point de première, pas de grande soirée. André, sorti à six heures, en redingote, avait annoncé qu'il dînait en ville, ce qui lui arrivait souvent. Il n'avait pas dit où, ce qui était plus rare, et Mme Heurtey s'aperçut que depuis six semaines, ce dernier cas se présentait beaucoup plus souvent qu'autrefois.
Elle se leva avec une sourde irritation. Allait-il prendre des habitudes de débauche, ce fils jusqu'à présent respectueux ? Sans doute, elle n'avait jamais exigé qu'il vécût en cénobite. Elle savait bien qu'il faut que jeunesse se passe !
Mais une mère doit feindre d'ignorer certaines choses, et un fils doit s'arranger pour qu'elle puisse feindre. Qu'avait-elle exigé, en définitive ? Qu'il ne passât jamais la nuit hors de la maison. Ce n'était pas une exigence déraisonnable ! Toutes les mères sensées devraient en faire une loi.
Elle lui avait dit :
– Je ne te contrains en rien. Mais s'il t'arrivait de ne pas rentrer, je serais obligée de te prier de vivre seul. Le respect que tu dois à ta jeune soeur autant qu'à ta mère ne serait pas compatible avec une vie désordonnée. Éliette ne peut pas être exposée à me demander un jour pourquoi tu n'aurais pas couché dans ton lit. Que ce soit donc une chose bien entendue entre nous.
André connaissait la fermeté de sa mère. Moins ferme, eût-elle su élever si bien ses enfants et leur créer une aisance honorable ? Il savait qu'elle n'employait jamais de vaines paroles, et qu'avec elle toute discussion était inutile, il répondit donc en l'embrassant :
– Oui, maman, c'est convenu.
Et il se conforma à cet engagement.
Alors, pourquoi ne rentrait-il pas cette nuit ?
L'imagination surexcitée de Mme Heurtey prit un autre cours. On assassinait les gens, le soir tard dans les rues... Qui lui disait qu'André n'était pas tombé dans un guet-apens ? Un beau jeune homme, bien mis, c'est une proie tentante pour les malfaiteurs... Et s'il y avait là-dessous quelque affaire de femme, un modèle peut-être...
Trois heures sonnèrent. Mme Heurtey ouvrit violemment les rideaux et la fenêtre, et regarda au-dehors.
Trop aimer son fils
La lune se couchait, jetant la clarté lugubre particulière à son décours, dans ces dernières heures de la nuit. Les arbres nus du square, immobiles, étendaient leurs bras décharnés. De grandes ombres tristes se dessinaient sur le pavé, un souffle humide et glacé d'automne, présage de neige prochaine, mordait la peau bien plus que le froid de la gelée.
Dans les rues, sur la place, personne... Mme Heurtey se pencha sur l'appui de la fenêtre, se faisant mal à force de se plier et jouissant âprement de sa douleur physique. Un bruit de pas résonna quelque part, loin encore. Le roulement d'une voiture dans la rue Blanche le couvrit un instant, et elle sentit une furieuse colère contre cette voiture qui l'empêchait d'entendre. Puis le roulement décrut, s'éteignit. Les pas s'étaient rapprochés, plus lents, plus lourds que ceux d'André.
C'était peut-être lui, pourtant ? Blessé, sans doute. Ce ne pouvait être que lui. L'homme approchait sans hâte. Elle percevait chacun de ses mouvements, par une délicatesse d'ouïe connue seulement de ceux qui ont attendu dans l'angoisse. Qu'il allait lentement, mon Dieu ! Cet homme qui était peut-être son enfant !
Il déboucha sur la place. Elle se rejeta en arrière avec un mouvement de dégoût et d'horreur. Comment avait-elle pu prendre un instant pour la démarche élégante d'André cette allure louche, cette lourdeur de mauvais aloi ? L'homme passa, les mains dans ses poches, la casquette rabattue sur l'oeil gauche. De colère Mme Heurtey ferma la fenêtre et se jeta dans un fauteuil.
Voilà ce que c'est que de trop aimer ses fils ! Ils deviennent indifférents, irrespectueux, cruels... Ah ! oui ! Elle l'avait gâté, son André ! Et d'autres qu'elle l'avaient gâté aussi ! Elle se rappelait, à Cherbourg, des regards de petites ouvrières, suivant le beau garçon quand, le dimanche, il escortait sa mère et sa jeune soeur dans leur promenade sur la jetée.
Ils en disaient long, ces regards qu'il feignait de ne pas voir ! Ils contenaient l'histoire des amours secrets, passagers, ceux qui ne laissent de trace ni dans le coeur ni même dans la mémoire des hommes...
Mme Heurtey se sentait prise de rage contre elle-même, en pensant qu'elle n'avait pas écrasé dans l'oeuf cette tendance au plaisir, à présent son ennemie. Elle s'en voulait de son indulgence, taxée par elle de complaisance indigne. Elle était coupable, criminelle, d'avoir toléré cette dégradation...
Son âme puritaine se révoltait contre la vie du siècle, la vie de Paris surtout, qui faisait de ce qu'elle appelait la débauche une portion rationnelle, indispensable même, de toute existence de jeune homme.
Puis elle s'attendrit. Le pauvre enfant, était-ce sa faute, s'il était beau ? Était-il possible de le regarder sans en être émue ? Les yeux noirs, les cheveux châtains, la jolie barbe blonde et frisottée qui encadrait si bien la bouche fine, dont le sourire était à la fois si fin et si séduisant.
Le charme de tout cet être gracieux et bien fait, c'étaient des dons naturels, André n'en était pas responsable ! Il était fait pour être aimé, on l'aimait. Était-ce sa faute ? Et Mme Heurtey trouvait qu'elle n'était vraiment pas raisonnable de condamner son enfant pour des erreurs qui ne venaient pas de lui.
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