Ramuntcho le montagnard
Au pays Basque, entre la contrebande, les traditions et les joutes de pelote, on retrouve ce jeune homme amoureux à qui la vie ne sourit pas toujours.
Retrouvez ces personnages attachants, parcourez leurs routes, vous ne le regretterez pas, assurément !
Sommaire
PREMIÈRE PARTIE
Introduction
Au pays Basque
Les retours délicieux à l’aube
Faire les mêmes choses
La fête de la Toussaint
La bande de Ramuntcho
L’heure du jeu
Place à la danse
Organiser la grande partie de paume
Contrebande risquée
Le soir de la Saint-Sylvestre
La maison de Gracieuse
Rencontres
Le logis de Raymond
L’Esprit des vieux âges
S’exercer avant la grande partie de paume
Arrivés à Erribiague
De la jeunesse plein les veines
Ils gagnent et retournent ensemble
Leur relation
La vie de tous les jours
Quel sera notre avenir ?
La procession de la Fête-Dieu
Devancer l’appel aux armes
Où vas-tu, mon fils ?
Leur dernière soirée
Le jour du départ
Les deux femmes ennemies
DEUXIÈME PARTIE
Ramuntcho doit revenir
Revoir son pays
Revoir sa mère
Son premier dimanche
La partie de pelote
Me pardonneriez-vous ?
Qui est mon père ?
Franchita se meurt
Des lettres de son père
La contrebande
L’hiver au village
Comment s’y prendre ?
À quoi bon ?
Si son neveu avait parlé plus tôt
La tentative suprême
Un peu de violence ?
Au parloir
Conclusion
Quel sera notre avenir ?
Ramuntcho, ce soir-là, était venu au rendez-vous plus tôt que de coutume, — avec plus d'hésitation aussi dans sa marche et son escalade, car l'on risque par ces soirs de juin, de trouver des filles attardées le long des chemins, ou bien des garçons, derrière les haies, en maraude d’amour.
Et, par hasard, elle était déjà seule en bas, regardant au dehors, sans cependant l'attendre.
Tout de suite, elle remarqua son allure agitée, ou joyeuse, et devina du nouveau. N'osant pas s'approcher trop, il lui fît signe qu'il fallait vite venir, enjamber la fenêtre, gagner l'allée obscure où l'on causait sans crainte.
Puis, dès qu'elle fut près de lui, à l'ombre nocturne des arbres, il la prit par la taille et lui annonça brusquement cette grande nouvelle qui, depuis le matin, bouleversait sa jeune tête et celle de Franchita sa mère.
— L'oncle Ignacio a écrit !
— Vrai ? L'oncle Ignacio !
C'est qu'elle savait, elle aussi, que cet oncle aventurier, cet oncle d'Amérique, disparu depuis tant d'années, n'avait jusqu'ici songé à envoyer qu’un étrange bonjour, par un matelot de passage.
— Oui ! Et il dit qu'il a du bien là-bas, dont il faut s'occuper, de grandes prairies, des troupes de chevaux. Qu’il n'a pas d'enfants, que, si je voulais aller m'établir près de lui, avec une gentille Basquaise épousée au pays, il serait content de nous adopter tous deux... Oh ! je crois que ma mère viendrait aussi...
Donc, si tu voulais... ce serait dès maintenant que nous pourrions nous marier... Tu sais, on en marie d’aussi jeunes, c'est permis... À présent que je serais adopté par l'oncle et que j'aurais une vraie position, elle consentirait, ta mère, je pense... Et ma foi, tant pis pour le service militaire, n'est-ce pas, dis ?
Ils s'assirent, sur des pierres moussues qui étaient là, leurs têtes tournant un peu, aussi troublés l'un que l'autre par l'approche et la tentation imprévue du bonheur. Ainsi, ce ne serait plus dans un incertain avenir, après son temps de soldat, ce serait presque tout de suite.
Ce serait dans deux mois, dans un mois peut-être, que cette communion de leurs âmes et de leurs chairs, si ardemment désirée et aujourd'hui si défendue, hier encore si lointaine, pourrait être accomplie sans péché, honnête aux yeux de tous, permise et bénie...
Oh ! jamais ils n'avaient envisagé cela de si près... et ils appuyaient l'un contre l'autre leurs fronts alourdis de trop de pensées, fatigués tout à coup d’une sorte de trop délicieux délire...
Autour d'eux, l’odeur des fleurs de juin montait de toute la terre, emplissait la nuit d'une suavité immense. Et, comme s'il n'y avait pas encore assez de senteurs épandues, les jasmins, les chèvrefeuilles des murs exhalaient d'instant en instant, par bouffées intermittentes, l'excès de leur parfum.
On eût dit que des mains balançaient en silence des cassolettes dans l'obscurité, pour quelque fête cachée, pour quelque enchantement magnifique et secret.
Il y a souvent et partout de ces très mystérieux enchantements-là, qui émanent de la nature même, commandés par on ne sait quelle volonté souveraine aux desseins insondables, pour nous donner le change à tous, sur la route de la mort...
— Tu ne me réponds pas, Gracieuse, tu ne me dis rien ?
Il voyait bien qu'elle était grisée, elle aussi, comme lui, et pourtant il devinait, à sa façon de rester si longtemps muette, que des ombres devaient s’amasser sur son rêve charmeur et beau.
— Mais, demanda-t-elle enfin, tes papiers de naturalisation, tu les as déjà reçus, n'est-ce pas ?
— Oui, c'est arrivé depuis la semaine dernière, tu sais bien... Et c'est toi, d'ailleurs, qui m'avais commandé de les faire, ces démarches-là.
— Et alors, tu es Français aujourd'hui... Et alors, si tu manques à ton service militaire, tu es déserteur !
— Dame ! Dame oui ! Déserteur, non. Mais insoumis, je crois, ça s'appelle... et ça ne vaut pas mieux, du reste, puisqu'on ne peut plus revenir... Moi qui n'y pensais pas !
Comme elle était torturée à présent d'en être cause, de l'avoir elle-même poussé à cet acte-là, qui faisait planer une menace si noire sur la joie à peine entrevue !
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